Saturday, May 17, 2014

Mémoires de la deuxième guerre mondiale (1939 - 1940) - Eugène Seigneurin

Mon grand-père Seigneurin, soldat français engagé pendant la deuxième guerre mondiale a gardé un carnet en papier caché sur lequel il inscrivait le récit de son périple avec un crayon en graphite (ce qui a évité que cela ne s'efface). J'avais récupéré son carnet et je l'avais tapé sur ordinateur Amstrad à l'époque :-). Puis mon petit frère, Alexis l'a mis à jour. Et à mon tour je le publie dans ce blog.

Né en 1914 et décédé en 1988, menuisier-ébéniste à Payré dans la Vienne, il avait tout juste 25 ans au démarrage de la seconde guerre mondiale et était marié à Marie-Madeleine.

Voici donc les mémoires d'Eugène Seigneurin, deuxième sapeur au 6ème Génie, 25ème bataillon, 25ème division française.





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Si vous souhaitez utiliser des passages de ce texte, merci de me prévenir à l'avance sur mon email stephane@seigneurin.com pour autorisation.




Mémoires de la guerre 1939 - 1940


France et Flandres



Du 2ème sapeur Seigneurin Eugène Au 6ème Génie à Angers, Mne et Loire 25ème Bataillon - 25ème division


Départ

LES MINIERES, Vienne, le 27.8.1939
Arrivés à Angers le 27 dans l’après-midi et nous sommes restés jusqu’au 3 août. 


ANGERS, Maine-et-Loire, le 3 août
Départ pour l’est direction inconnue.


NONSARD, Meuse.

Arrivés le 6 août dans ce petit bled pour la 1ère campagne. Région assez froide, c’est aux environs de St Miel, où avait eu lieu la grande bataille avec les Américains, dans la guerre 1914-18. Beau monument au sommet du mont St Miel, dans ce petit pays nous avons fait les 1ères tranchées qui se trouvaient dans les mêmes places que celles de l’ancienne guerre, car tout était encore bouleversé et dénudé par les bombardements qui avaient eu lieu. Je peux dire que j’ai mangé des prunes mirabelles le temps que nous sommes restés dans cette région, car c’est le principal fruit.

RAMBUCOUR, Meuse.
Petite ville très calme où nous sommes passés le 11.9 pour rejoindre Vergaville le 11.9. 


VERGAVILLE, Meuse.

A 3 km de Dieuse, ici c’est un pays très méfiant, même le maire de cette petite commune a été fusillé à cause de son espionnage... Beaucoup de grandes forêts et toujours des mirabelles en quantité, mais de mauvais cantonnements et les gens ne voulaient pas nous donner de paille.

DONNELAY, Moselle, le 20.9

Arrivés au petit jour après avoir marché toute la nuit dans les sentiers d’une grande forêt avec tout le barda sur le dos et bien fatigués à l’arrivée. Encore de mauvais cantonnements.

BURBACK, Bas-Rhin, le 27.9

Très vilain bled dans un trou entre les forêts et mauvaise mentalité des habitants et beaucoup de difficultés pour se faire comprendre. De grandes forêts où nous allions chasser les lièvres à coups de bâtons. Le 1er jour nous en avions tués 11 ce qui nous permettait d’améliorer notre ordinaire.

RAHLING, Moselle, le 3.10

AUX environs de Sarre Union. Début de notre front et de la canonnade, et comme d’habitude nous avons fait le chemin a pieds, la nuit, avec tout sur le dos et bien fatigués à l’arrivée après s’être égarés de plusieurs km. Pour une division motorisée, ce n’est pas mal. Très belle église genre historique et comme cantonnement, une salle de bal mais, tassés comme des sardines en boîte...

BINING-RHORBACK, Moselle, le 9.10

En ligne pour faire des blockhaus et sous le feu des canons sans arrêt et en plus toujours sous la pluie et dans la boue jusqu’aux genoux au chantier de Morenhoff où nous faisions le P.C. d’un colonel. C’est à cet endroit, en faisant des coffrages que j’ai vu comme par hasard le copain Adolphe Beau qui était venu en corvée. Le 16 et 17 octobre, grande canonnade par notre grosse artillerie et la gare de Rhorback fut bombardée par l’ennemi le 31.10. C’est le soir où nous sommes redescendus de lignes et arrivés le 1er.11 à Voyer en autocars qui étaient venus nous chercher.

VOYER, Moselle, le 1er.11

Très beau coin au pied des Vosges. Repos, nous sommes allés à la messe des morts et après, le commandant a fait un discours. Dans l’après-midi, avec le copain Paziot, nous avons été faire un tour à la petite ville voisine qui est également de toute beauté. Nous sommes passés dans la forêt de Saverne et surtout bien arrosé cette descente de ligne.

ABRESCHEVILLER, Vosges, le 2.11
Etant de promenade dans cette petite ville non loin du mont du Donon, paysage splendide et très belle église, cimetière militaire de 14-18...

REDING, Meuse, le 5.11
Ville de passage pour s’en aller dans le Pas-de-Calais à Hesdin-l’Abbé.


HESDIN-L’ABBE, Pas-de-Calais, le 7.11
Transport par chemins de fer de Sarrebourg pour Etaples, gare d’arrivée, puis aussitôt Hesdin-l’Abbé.


Nous sommes arrivés de jour à Etaples vers 10 heures, joli petit port de pêche et bien reçus des habitants. Nous avons fait une marche de 30 km pour rejoindre Hesdin et là, j’ai cantonné chez un menuisier, dans un trou à cochons que nous avons aménagé avec le copain R. Paziot. Le jour du 11 novembre nous avons assisté à la messe des morts et le commandant Bonapetit a fait un discours. Dans l’après-midi, il y avait beaucoup de gaieté, car nous avons eu un bon repas et surtout de bonnes vielles bouteilles et en supplément, le commandant avait arrosé ses galons avec du Vouvray. Pas besoin de dire qu’il y avait de la joie dans la soirée. Paziot et moi, nous avons été faire un tour du côté de Boulogne, quand il y eut alerte pour partir immédiatement.


BERGUES, Nord, le 11.11

Grande alerte, le transport de la division fut fait par cars et camions. Nous sommes passés au centre de Boulogne, très belle ville et très bien accueillis des habitants.

QUADYPRE, Nord, le 12.11

Non loin de la frontière Belge, mal cantonnés dans une grande ferme où le vent avait enlevé toute la toiture du hangar où nous étions couchés. Il tombait aussi de la neige à flot que nous étions recouverts de neige au moins de 15 cm, et en plus de cela les gens ne voulaient pas nous voir ni nous sentir avec leur façon de parler flamand et ce genre méfiant. Enfin, nous y sommes restés jusqu’au 22.11.

GRAND-FORT-PHILIPE, Nord, le 22.11

Très joli port de pêche à quelques km de Graveline. C’est un pays où les gens sont très affables et bon cœur envers les militaires. Là, nous y sommes restés une bonne partie de l’hiver et comme boulot des promenades sur la plage et instruction sur les ports et les mines, surtout grand gaspillage de bois, planches et madriers... Nous prenions aussi la garde à l’entrée du port à cause des mines flottantes qui venaient s’échouer sur les côtes et sur la plage... C’est sur la plage que j’en ai vu une sphérique qui pouvait, faire 1,20m de diamètre environ... Pendant notre séjour à Grand-Fort-Philippe, nous avons été faire un stage de pontage sur le canal à...

ECLUSE-CARREE-GUINES, Pas-de-Calais, le 14.12

Stage de pontage de 10 jours, moi je n’ai guère été au boulot, car j’avais reçu un madrier sur le gros orteil ce qui m’a mis plusieurs jours exempt de service, chose qui ne m’a pas fâché du tout, puisqu’il faisait un froid de loup et qu’il tombait de la neige. Comme cantonnement, ce n’était guère confortable, une grande écurie où nous étions 70 dedans et on ne pouvait se réchauffer la nuit. Mauvaise mentalité des gens. Le 24 décembre, nous sommes retournés à Grand-Fort-Philippe. Le jour du 1er de l’an, croyant aller en perme, j’ai pris la garde à l’entrée du port avec ce vieux copain Paziot et il y avait au moins 50 cm de neige. Le 5 janvier 1940, je suis enfin parti en perme et quelle joie pour la 1ère fois...
Nous y étions trop bien dans ce pays là qu’il a fallu le quitter avec regret. Hélas les habitants nous ont beaucoup regrettés aussi, avec des pleurs !

SERQUES, Pas-de-Calais, le 1er.2.1940

Petit patelin très calme, non loin de St-Omer, où les gens nous ont été très reconnaissants et très gentils, vu le froid qu’il faisait. Moi j’ai logé avec Paziot dans une écurie à vaches, chez M. et Mme Clay-Hielle à Serques, Pas-de-Calais. C’est les meilleures personnes que j’ai pu rencontrer durant ma campagne et ils nous ont beaucoup regrettés à notre départ. Pendant mon séjour chez ces braves gens, j’ai travaillé à la réparation de la ferme et le copain à peint et tapissé un vestibule. Nous avons eu chacun 50 F de pièces et été bien nourris. J’ai été aussi à la gare de Watten pour décharger des wagons de bois. Quel gaspillage fallait-il voir là dedans...

BROXEELE, Nord, le 1.3.40
Petit patelin très sale où les gens sont aussi méfiants et difficiles à comprendre avec leur langage flamand. Ici j’ai cantonné dans un petit toit à poules avec mon copain comme toujours et nous avions de la peine à nous réchauffer sous nos couvertures. Heureusement que nous avons déménagé aussitôt pour aller sur la frontière Belge à...

OOST-CAPPEL, Nord, le 5.3.40

Petit pays moitié Français et moitié Belge. Ici nous avons fait le trajet de Broxeele à Oost-Cappel par cars et il faisait très froid, même à notre arrivée il tombait de la neige et sans cantonnement, jusqu’à la nuit. Il a fallu coucher dans un hangar abandonné. Enfin, le lendemain nous avons été chez un gros propriétaire M. Fossard qui nous a logés pendant tout notre séjour à Oost-Cappel. C’était à 2km de notre chantier de blockhaus. J’ai aussi visité plusieurs petites villes des environs très belles et anciennes, comme...

REXPOEDE, KILLEM, HONDSCHOOTE, BAMBECQUE

J’ai vu des travaux d’art superbes dans ces petites villes et surtout ces vieilles églises rustiques avec des sculptures de toute beauté... Pour faire les coffrages des blockhaus, je peux dire que j’ai gaspillé du bois avec le camarade Daguzé. Travaux qui n’ont servi à rien puisqu’il a fallu les abandonner pendant le coulage qui était presque terminé : 600 m3 de béton, il ne restait plus que 30 cm du haut à couler, quand le 10 mai à 7 h du matin, nous avons eu l’alerte pour partir pour la Hollande à Breda. Ce fut une triste journée et sans soleil.

BELGIQUE

Grand départ pour la Hollande. Le transport de la division fut fait par cars et camions, dans la nuit du 10 au 11, et le 11 au petit jour, nous arrivions à la frontière Hollandaise et surtout tous bien fatigués d’avoir passé les nuits pendant une semaine à couler ces maudits blockhaus qui n’ont même pas servi.

HOLLANDE, le 11.5.1940

Grand jour mémorable, à notre arrivée à la frontière, nous avons eu un bombardement intense et sans une minute d’arrêt pendant toute la nuit, les avions venaient par bandes de 50 nous lâcher des bombes et mitrailler à outrance. La route était coupée sur un pont et comme nous étions le génie de reconnaissance divisionnaire, il nous a fallu réparer le pont pour le passage des cars et des camions, plus de 500 bombes ont été jetées autour de nous, mais il n’y a pas eu de victime parmi la Cie du Génie, pourtant une torpille est tombée sur la pile du pont, à 3 m de nous... Quel massacre ai-je pu voir plus loin dans la clairière d’une forêt, des colonnes de cars étaient brûlées et mitraillées avec les cadavres dedans. C’était vraiment horrible, on peut dire qu’on a fait du plat ventre pour accomplir notre boulot et avec peine. Arrivés ici, nous étions repérés et c’était plein d’espions partout. Nous avons été 2 jours dans une grande forêt de sapins qui fut mitraillée et incendiée dans la nuit. Ce n’était que du feu partout, nous avons pu nous réfugier dans une écurie, à la lisière de cette forêt, le seul endroit qui n’ait pas brûlé. Je me demandais bien ce que le sort allait nous réserver et nous avions pourtant le ventre vide depuis 3 jours et le cœur meurtri par ces horribles choses, les villages rasés et beaucoup de civils tués. Quatre-vingt pour cent de notre division était détruite, plus de véhicule et les hommes, mauvais moral. C’était le début, de la débâcle. Dans la nuit du 13, nous arrivions à...

St-LEONARD

Et nous étions tous épuisés de fatigue et de faim. Là, nous avons couché dans un café où tout était évacué et il a fallu chercher du ravitaillement dans les fermes voisines. Ce qui nous tourmentait, c’était de ne pas avoir de nouvelles de chez nous. Enfin, vers minuit, le vaguemestre nous a apporté les dernières lettres.

Deux jours passèrent encore sur le qui vive, dans ce triste patelin au trois quart démoli où nous étions en train de nous restaurer un peu. Hélas, vers midi, l’ordre arrive de notre lieutenant Billard qui vient nous dire une triste nouvelle :
« Mes chers camarades, nous sommes dans une mauvaise situation. Nous avons l’ennemi ici à côté, nous n’avons pas de munition, il faudra se défendre héroïquement à la baïonnette et le peu de balles qu’il nous reste. Alors, je compte sur vous. »

Pas besoin d’en dire plus, personne n’avait plus faim. Alors le commandant nous a fait voir notre travail à exécuter et à chacun son poste. Notre boulot était de miner la route en plusieurs endroits car la division ennemie avançait à grands pas. C’est donc le 15.5.40 à 5 heures de l’après-midi que nous étions partis exécuter notre mission, toujours sous la mitraille des bombardiers. Par malheur, il y a eu un mauvais commandement de la part de notre lieutenant Billard qui nous a causé des victimes, par un tir de barrage d’artillerie Française, et c’est sur la place de l’église de ce patelin...


St-LEONARD, Belgique, le 15 mai

... que je suis resté seul vivant sans aucune goutte de sang parmi les copains qui sont victimes. Quelle horrible chose en entendant ces pauvres copains jeter leurs dernières plaintes et leur dernier souffle de vie. C’est bien des fois que je revois cette petite place de St-Léonard, au milieu de mes copains morts et blessés. Voilà le nom des victimes. Le sergent Bourdon, le caporal Chotard, Louis Soulard, Marcel Poisbleaud dont j’avais ma tête entre ses jambes et je n’ai eu que deux éclats d’obus sous la crinière de mon casque. Quelle chance pour moi de m’en être tiré de la sorte sans blessure.

Joseph Morin que je tenais de ma main droite et qui était blessé dans le dos, un trou à mettre le poing. Drean qui se trouvait juste derrière moi qui a été blessé au bras. Cogna qui a été blessé au cœur et grâce à son pansement individuel et son porte fusil n’a pas été trop gravement blessé. Et plusieurs autres dont je ne me souviens plus des noms. Bien des fois je me demande comment j’ai pu rester seul sur cette place sans avoir de blessure. Avec le camarade Paziot, j’ai rentré les victimes dans une maison et nous sommes partis plus loin. Nous avons vu l’aumônier de la division qui nous a dit qu’ils étaient enterrés à Braschet auprès d’un château et le camarade R. Paziot a aidé à les transporter pendant que nous étions partis miner la route et les arbres, tout près de cet endroit. Moi j’étais avec deux camarades, Daguzé et Répules, pour allumer les mines aussitôt le repli de l’infanterie et des corps francs et je voyais le moment que ces deux cocos allaient me laisser seul. C’est vrai ça sifflait aux oreilles, l’ennemi était là à la lisière d’un champ de seigle. A la tombée de la nuit, notre mission terminée, les corps francs nous donnent enfin l’ordre de mettre le feu aux mines et aussitôt, nous devions nous replier à Vracine, le 16.5, dans le parc d’un grand château historique de Belgique, et c’est là, dans ce parc que j’ai retrouvé le copain Millet de Couhé, qui, à mon arrivée, a débouché une vieille bouteille de Madère qu’il avait resquillé dans une cave, par là. Ce n’était pas de trop pour chasser le cafard...


La première nuit, nous avons couché dans le bosquet du château et toute la nuit, ce n’était que des coups de mitraillettes de tous les côtés avec les espions qui étaient là en grand nombre. Pourtant, il y en a eu beaucoup de fusillés. Le lendemain, nous avons été coucher dans une villa, dans une bonne cave voûtée. Là, nous étions bien installés pour passer la nuit et l’ordre est venu de partir de suite, alors, au lieu de dormir, nous avons encore marché toute la nuit, pour aller embarquer à la gare de...


St-NICOLAS, Belgique, le 17.5.40

Nous sommes arrivés à cette gare pour embarquer pour la France, et une heure avant, la gare venait d’être bombardée par l’aviation et il y a eu beaucoup de victimes. Alors, quelques heures après, on a été embarquer à une gare inconnue. On est passés à une gare où les trains sanitaires et la ville étaient criblés de balles et rasés par les bombes.

ACLTRE et ANVERS, Belgique, le 18.5.40
Grandes villes que nous avons traversées deux fois à pieds en nous repliant de Belgique pour soi-disant

reformer la division en France, à cause des pertes considérables d’hommes et de matériels... 

ANVERS, le 18.5.40
Très belle ville qui a été bombardée en plein centre et de nombreuses victimes étaient là, gisant sur les trottoirs. Entre autres, une voiture ambulance était enfouie dans un trou de bombe et une trentaine de soldats du 38ème d’infanterie étaient écrasés et calés aux murs des maisons. Quel horrible chose à voir...

Après être passés à Anvers, il y avait un encombrement formidable, par un mélange de divisions montant et descendant du front. Au petit jour, nous voici rendus auprès de l’Escaut et pour traverser, il n’y avait plus de pont. Alors, nous avons été obligés d’attendre notre tour pour prendre le bateau qui faisait le transport des troupes d’un bord à l’autre de l’Escaut. Il n’y faisait guère bon non plus, à cet endroit, déjà que cette manœuvre se faisait en plein jour et que l’aviation ennemie rodait sans cesse. Nous avons pu passer sans trop d’encombres avec notre reste de matériel rescapé, pour embarquer ensuite en chemin de fer à Alctre.


ALCTRE, le 18.5.40

Départ pour la France, nous avons embarqué à cette gare dans des wagons plate-forme, pour plusieurs jours de voyage et comme ravitaillement, c’était toujours restreint. En cours de route, nous avons eu la chance de n’être pas bombardés par l’aviation qui nous survolait continuellement. A cette gare, nous avons laissé plus de 600 vélos...

FRANCE, le 20 mai 1940

Nous devions soi-disant arriver en gare de Douai pour reformer la division, mais, hélas, la gare venait d’être incendiée, 20 minutes avant notre arrivée en gare heureusement. Tout était en flammes et il y eu encore de nombreuses victimes, plus de 1500. Il y avait justement un train d’évacués Belges et des trains de ravitaillements qui étaient destinés pour nous mais, tout a calciné dans le feu, évacués Belges et vivres. Nous avons donc débarqué à une petite gare, près de Douai à...

ABMENTIERE, le 20.05.40

Gare qui était également en flammes de tous les côtés, ainsi que plusieurs autres petites villes que nous avons traversées comme celles ci :
LEFOREST et FLERS-en-ESCREBIEUX
... tous ces coins pleins d’usines et de mines. C’est ici que nous avons vu des Anglais qui étaient là pour miner des ponts et au moment stratégique, ils se sauvaient de là à toutes pompes.
Sur toutes les routes, c’était des évacués vieillards, femmes et enfants, vraiment c’était pénible de voir ce désastre. Et nous voilà arrivés avec peine à...

FLERS-en-ESCREBIEUX, le 21.5.40

Nous avons couché dans une écurie de ce pays à moitié évacué et ce qui restait, ce n’était que des espions. Il nous a fallu faire la poursuite à des espions déguisés en bonnes sœurs et curés. Vers 9 heures du matin, les avions rodaient de plus en plus. Deux avions furent abattus par un Canadien qui les avait pris en chasse. Un est tombé près de nous et sur une maison qui a en même temps écrasé une jeune femme et deux gosses...

Le 21 mai, à la tombée de la nuit, l’ordre est venu de remonter en ligne. C’était loin d’être du repos comme on nous l’avait dit. Nous avons donc traversé la ville de Douai.


DOUAI, le 21.5.40

... Où nous sommes passés dans la nuit du 21 et de tous les côtés on ne voyait que du feu et des flammes. Nous avons fait la pose, deux heures, dans un fossé, en attendant le passage d’une colonne d’artillerie qui montait en ligne. Aussitôt après, nous avons embarqué dans des camions pour arriver au petit jour à...

DASSEREBLET

... Où nous sommes débarqués à 6 heures du matin. Et reposés une heure environ, dans une grange qui n’avait, plus de toiture...
Voilà l’ordre de partir pour faire des passerelles d’infanterie pour le repli. On est passé à...

FRESSAIN, le 22 mai 40
Petit bourg complètement écrasé par les bombes. Nous ne fournissions pas à faire du plat ventre et à nous camoufler des avions qui survolaient par centaines ce coin là...

HEM-LENGLET, Nord, le 22 mai 40, jour mémorable.

Arrivés à ce petit patelin, auprès du canal où avait lieu notre passerelle stratégique de circonstance que nous avions confectionnée avec des échelles et des planches qui se trouvaient dans une scierie à proximité du canal. Là, ce n’était guère le filon et il fallait coûte que coûte achever notre tâche. Nous étions sous un barrage d’artillerie française et ennemie car l’ennemi faisait du tir de contre-batterie. Une fois terminé, j’ai été désigné avec le copain Paziot et Morabin, pour prendre la garde à notre passerelle jusqu’au moment où toute la troupe serait passée pour la faire sauter, sous les ordres du colonel d’infanterie. A côté de nous, des rescapés de l’infanterie faisaient des fosses et des croix de bois pour leurs camarades qui étaient sous une rafale. Aussitôt la relève de ceux-ci, c’est des gardes mobiles qui sont venus prendre position le long du canal, et ils nous disaient que ce n’était pas leur place d’être ici. Alors, ils ont voulu s’en aller et c’est le 92ème d’infanterie qui les a ramenés en position, baïonnettes aux canons. C’est par bonheur que Robert Paziot et moi nous avons eu la chance de nous en tirer comme cela puisqu’une torpille est tombée à 4 m de notre tranchée où nous étions toujours tous les deux. A chaque seconde, nous demandions ce qui allait être notre sort puisque le 77 nous crachait sur la figure toute la nuit. C’est alors que vers trois heures du matin le repli a eu lieu, toute la troupe est passée et le lieutenant des corps francs nous a donné l’ordre de faire sauter notre passerelle. C’était le moment car l’ennemi était de l’autre côté du canal, et tout le long de la route de notre repli, on ne trouvait que des victimes et des véhicules en feu. En sortant d’Hem-Lenglet, j’ai vu cinq cadavres qui m’ont fait bien de la peine. C’était une femme, ses trois enfants morts dans ses bras et le mari à ses côtés, et combien d’autres aussi...

ERCHIN, le 23.5.40

Petit bled évacué sur notre route de repli. Nous sommes restés dans une écurie pour nous reposer un peu mais le secteur n’était pas très calme et c’était à la bonne portée de l’artillerie.
Les avions, ce jour, volaient comme des papillons. J’en ai compté plus de 500. Pas besoin de dire qu’il ne fallait pas montrer son nez en dehors.

Avec plusieurs copains, nous faisions la popote dans une vieille baraque, quand un lieutenant du 121 d’infanterie est venu me chercher avec le copain Daguzé pour remplacer des brancards de voiturettes mitrailleuses. Justement, à cet endroit, il y avait un four de boulanger et le camarade Coroller de ma section était à faire du pain depuis le matin. Ce maudit avion de reconnaissance était là à repérer s’il n’y avait pas de la troupe dans le coin et cette fumée était bien repérée. Aussitôt le pain fini, nous avons mis des poulets au four et des rôtis de porc. Notre boulot terminé, nous nous sommes mis à table comme si le secteur avait été calme. Nous avions des couverts en argent et bien mangé en cœur avec cette bonne cuisine que le cuistot du 121 nous avait fait. On ne s’occupait pas des avions, les vieilles bouteilles roulaient sur la table et je crois que nous avons tous bien arrosé cette journée de cafard...


Vers 6 heures, après avoir terminé notre repas, on nous annonce le départ d’Erchin qui était le 26. Nous avions encore trois gros poulets dans le four. Il a fallu tout laisser pour s’en aller...


VRED, le 26.5.40

En faisant du plat ventre tout le long de la route et à tout instant, on passait auprès des mines qui étaient bien repérées par l’aviation. Arrivés à Vred, nous avons tous été dispersés pour faire sauter des ponts sur le canal qui nous séparait de l’ennemi. Là, je fus désigné avec Paziot pour aller faire sauter un pont où passaient en même temps les tuyauteries d’alimentation en eau de Cambray et de Douai. Vers deux heures dans la nuit du 27 mai, un groupe de reconnaissance allemande est venu à cheval et un d’eux fut tué avec son cheval par une rafale de fusil mitrailleur. Aussitôt fait, le colonel d’infanterie est venu nous donner l’ordre de faire feu aux mines, et quelques secondes après, le pont était détruit. De là, il a fallu se replier vers un autre pont où se trouvaient d’autres copains qui ont détruit un pont tournant, à leur tour. Une fois rassemblés, nous avons tous rejoint la compagnie qui était à une dizaine de km plus loin. Comme le jour venait et que l’aviation était à craindre, nous sommes passés à travers champs, direction inconnue...

Arrivés à une petite bourgade, nous avons fait une halte de 2 heures environ, et là, des réfugiés Belges nous ont donné le café, ce qui nous a fait du bien, car nous venions d’attraper un orage... Comme par hasard, en cherchant une boulangerie, le camarade Paziot a vu le lieutenant de notre compagnie qui a laissé à croire qu’il y avait du louche qui se passait, et il nous a mis sur la route pour retrouver les autres escouades qui étaient réfugiées dans un bois. A la sortie d’un petit bled, plus loin, nous avons été obligés de rester camouflés une bonne partie de la journée à cause des bombardements qui ne cessaient pas. Un dépôt anglais avait été bombardé à 400 m d’où nous étions...

Une fois tous réunis dans ce bois, nous avons cassé la croûte, dans nos tranchées et à la tombée de la nuit, nous sommes repartis à pieds, puisqu’il n’y avait plus aucun véhicule, pour 40 km, et tout le long de notre route, ce n’était que des chevaux et des hommes mitraillés par l’aviation. Quel triste spectacle et pagaille de troupes affolées. Vers 11 heures, nous nous sommes reposés dans une grange où la toiture était criblée de balles, pour repartir vers midi 1/2, à voyager entre tous ces feux, en plein jour, je ne nous voyais pas de la classe. Le lendemain matin, vers 5 heures, nous voilà arrivés aux environs de Lille, toujours sous le feu de l’artillerie ennemie et de cette maudite aviation qui survolait toujours. Enfin, avec mille misères, nous arrivons à un patelin.


MONS-EN-PEVELE, le 27 mai
Là tout était à l’abandon et nous continuons la route pour aller tenir le secteur à... 


HAUBOURDIN, Nord, le 27.5.40

Vers dix heures, nous nous sommes mis à l’abri dans un atelier mécanique. Les rues étaient remplies de cadavres et de chevaux qui s’écroulaient à vue d’œil sous le feu de l’artillerie ennemie. Quel triste spectacle. Moi, ce jour là, j’étais avec Paziot, en liaison avec le 216 d’artillerie qui tenait encore le coup dans le parc d’un château, mais ils ont été obligés d’abandonner, faute de munitions... Au moment où je traverse la route pour porter un pli à l’officier de ma compagnie, voilà qu’un obus tombe sur le gazoduc de la ville qui était environ à 100 m d’ici et le gaz en flammes courait à flot dans les rues. Il nous a fallu encore déloger en vitesse. Une grande tannerie à côté de nous était en flammes. C’est à ce bled et à ce garage que l’officier de notre compagnie à fait brûler les papiers de la compagnie et nous a dit de brûler nos lettres et les papiers qu’on avait sur nous, car il voyait que nous étions cernés de tous côtés. Après avoir brûlé mes lettres et adresses, j’en ai pleuré et j’ai noyé le cafard dans un bon coup de pinard qu’on trouvait à volonté dans toutes les caves...
Le 28 mai, nous voilà encore déménagés pour aller s’échouer à Loos.

LOOS, Nord, le 28 mai 1940

... qui était le point de défense de Lille. Là nous avons cantonné sous un hangar, à proximité d’une belle église moderne. Mais ce clocher était encore un vrai point de repère car, au petit jour, il avait déjà reçu un obus. Et aussitôt, on nous a fait changer de cantonnement. Le 29 au matin, ce fut presque notre dernier refuge dans un atelier de peintre de voitures, où j’ai vu les dernières victimes de ma compagnie, dont le camarade Zouvie et Cramaréjas ont été écrasés par un obus. Il y a eu aussi plusieurs blessés. Par bonheur, je venais juste de descendre dans une petite cave où 22 camarades m’ont suivi. Nous étions tassés comme des sardines, dans cette petite cave, et c’est une minute après que l’obus vient écraser notre cantonnement. On ne voyait plus, dans la poussière et les décombres du bâtiment. Le curé de la compagnie était avec nous et nous a donné l’absolution. Au même moment où l’obus est tombé sur nous, le camarade Paziot arrivait d’une mission de patrouille et il donnait le résultat à l’adjudant quand tout à coup il reçoit un éclat sur le nez et l’adjudant fut grièvement à la cuisse et dans le dos. Moi, j’étais dans cette cave avec les autres et je n’entendais plus le camarade, alors je le croyais tué et lui en pensait autant de moi. C’est aussitôt le feu terminé qu’il est venu voir si je n’étais pas dans les décombres et nous sommes allés nous réfugier dans une autre cave fortifiée d’une filature où il y avait déjà plus de 200 civils. Nous n’étions pas plus tôt changés d’endroit que l’on entendait des coups de pétards. C’était des espions qui nous signalaient à l’artillerie ennemie et une heure après, l’usine était en flammes. Cette filature n’a été qu’une gerbe de feu. Il a encore fallu se réfugier dans une autre cave, de l’autre côté de la route. Là, il y avait une bonne réserve de pinard et on a tous bu un bon coup : c’était le moment d’en profiter... Pendant ces trois derniers jours, nous avons fait des barrages à toutes les rues, aux entrées de la ville. L’artillerie ne résistait plus, ils avaient fait sauter toutes leurs pièces et depuis deux jours, l’infanterie se rendait, de tous côtés. Il n’y avait guère que nous qui résistions, aux barrages.

Le 29 mai, je suis allé faire deux patrouilles, une de nuit et une de jour, pour voir si l’ennemi était dans un bosquet, à 500 m du barrage où nous étions, porte de Lille. Les Allemands étaient 50 m derrière un buisson et nous envoyaient de ces rafales de mitraillettes, mais ce n’est guère précis heureusement pour nous, car je n’étais pas plus fier que cela. Mais c’était un ordre et coûte que coûte, il fallait, y aller.

C’est alors que le dernier barrage de...

LOOS, le 31 mai 1940 à 11h
... que l’officier qui nous commandait nous dit de déposer les armes et de se rendre. J’étais à plat ventre dans un parterre de pensées, le long d’un mur où l’on avait fait un créneau pour pouvoir tirer sur l’ennemi qui était à 50 m de notre barrage. Vers 11 heures, le feu de l’artillerie a cessé. Alors, un soldat allemand est venu avec un prisonnier Français nous dire que si nous ne nous rendions pas d’ici dix minutes, alors, nous allions périr sous l’acier des obus ou par les gaz. J’ai cueilli 2 dernières pensées en France pour ma chère Madeleine et ma chère sœur et je pensais à toute ma famille et bien des choses, car à des moments comme cela, c’est toute la vie qu’on revoit. Quelques minutes avant d’être prisonnier, j’étais toujours avec mon camarade Paziot et il venait de me donner un pain de 3 livres pour distribuer avec les copains. J’étais en train de le couper en 5 quand tout à coup j’entends : "Raouste. Raouste." C’était un Allemand qui était à la porte de la maison. Alors, je prends mon pain sous un bras et une bouteille de rhum que j’avais resquillé dans une cave et nous nous sommes rendus prisonniers avec Paziot. Aussitôt, nous avons été concentrés dans une grande faculté de médecine et là, j’ai retrouvé des copains et nous avons liquidé la bouteille, tous en cœur, en s’estimant encore heureux de n’avoir aucun éclat, car 10 mn après notre capture, la ville de Loos était rasée bien ras... Vers deux heures de l’après midi, on nous a dirigés à Lille sous de grands hangars où nous étions plusieurs milliers. Le 1er juin, au petit jour, on a tous délogés de Lille et on a touché une petite part de pain pour partir en direction de la Belgique, à pieds en plusieurs étapes et pas doucement, car ils ne nous menaient pas en camarades.

LOOS, Nord. Départ de la captivité par la...


BELGIQUE. TOURNAI, VELAINES et HACQUEGNIES, les villes où nous sommes passés et avons fait la halte à Hacquegnies, le 2 juin. De là, nous sommes repartis à pieds et sans vivres du tout.


ATH, Belgique, le 3 juin

Nous sommes arrivés plusieurs milliers sur une grande place qui était entourée de barbelés. Ici, nous étions à la belle étoile, ce qui ne changeait guère de la vie de campagne, mais la faiblesse s’emparait de nous et ce n’était pourtant que le commencement de la misère. C’est ici que j’ai écrit mes premières lettres de prisonnier, mais je ne croyais pas qu’elles arriveraient à destination.

ENGHIEN et SOIGNIES, Belgique, le 4 juin 40

A pieds et sous un soleil de plomb, sans manger et boire que de l’eau, nous n’avions plus de force. Là, nous étions dans un pré bas, sur l’herbe mouillée, car c’était marécageux. Ce jour là, encore rien à manger, quelle souffrance, et des marches de 25 à 35 km par jour... Le 5 juin, à 1 h du matin, nous partions pour Nivelles, petite ville de Belgique qui a été à moitié rasée par les bombardements. Il y a eu environ 2000 victimes civiles.
Nous sommes arrivés vers 10 h, à notre dernier cantonnement de Belgique qui était la prison de Nivelles. 

NIVELLES, Belgique, le 5 juin 1940

Là, on nous a servi une gamelle de soupe et un morceau de pain et le lendemain matin, nous avons embarqué dans des wagons à bestiaux, pour l’Allemagne.

ALEXISDORF, Allemagne, le 12 juin 1940
Près de Düsseldorf. Nous avons débarqué à la gare de Großringe, à 4 km du camp d’Alexisdorf, 1er camp de triage, bien aménagé, mais malsain par son humidité puisque c’est dans des marais et on chauffe avec de la tourbe, dans ces coins. A ce camp, j’ai revu tous les copains de la compagnie, mais ils partaient le lendemain de notre arrivée, pour un autre camp. Ici, je n’avais plus de force, je tombais malgré moi. Heureusement que nous y sommes restés trois jours pour reprendre un peu de forces. Le rata était à peu près bon et c’était très propre, mais la quantité était insuffisante...
Hélas, ce n’était que les premiers jours de souffrance. Le 15, à notre tour, il a fallu déménager pour un autre camp en Autriche à Kaisersteinbruch.

KAISERSTEINBRUCH, Autriche, le 18 juin 40

Nous avons embarqué par chemins de fer à la gare de Großringe, pour aller se perdre dans ce sale pays d’Autriche. 

Voilà plusieurs gares que j’ai vues pendant ce trajet :

HAM, WERTF, le 15.6.40. SHUVERTE, RHUR, le 16.6.40. WERNFELD, TRYNVISSER, HÜTTELDORF, le 17.6.40. HACHING, le 18.6.40 et WILFLEINSDORF, le 18.6.40 qui est la gare d’arrivée en Autriche, à 3 km du grand camp de Kaisersteinbruch, où nous étions environ 40000 prisonniers. Là, c’était la misère noire et on avait de la peine à attraper sa pauvre part de soupe aux patates non-épluchées et sa part de pain, à cause de la pagaille de toute cette foule affamée. Toute ma vie je reverrai cette tambouille à cochons, de patates non-épluchées et de choux. Mais la faim fait manger beaucoup de choses. Nous couchions sous des bâches...
C’est ici que nous avons eu notre nouveau matricule, en passant à la chambre de désinfection, le 23 juin. Voici mon matricule : N°65034. Stalag XVII.A.G.W.36.
En sortant des douches, nous sommes allés dans des baraques propres, coucher sur des paillasses et rester jusqu’au 25, en attendant notre affectation qui a bien failli me séparer de mon vieux copain Pasiot et de quelques autres dont voilà les noms : René Petit, Alphonse Daguzé, Edouard Lavandier et François Lambert qui, malheureusement est mort par manque de soin à Eisenerz...
Le 25 juin, départ de Kaisersteinbruch pour aller à Eisenerz, dans la montagne, en Tyrol Autrichien. 

Voilà les gares où nous sommes passés: départ de Kaisersteinbruch, WILFLEINSDORF, le 25.6.40. UNTERWALTESDORF, WAMPERSDORF, POTTENDORF, LANDEGG, WIENER NEUSTADT, St-EGYDEN, TERNITZ, grande montagne de neige et de glace, GLOGGNITZ, WEIβENBACH, EICHBERG, BREITENSTEIN, SEMMERING, MÜRZZUSCHLAG, BOHLER STAHL, le 25.6.40. WALD, le 26.6.40. ROTTENMANN, SEIZTHAL, FRAUEUNBERG, HIEFLEAU, EISENERZ, le 26.6.40.

Gare d’arrivée dans le Tyrol Autrichien, encaissé entre les montagnes de 2100 m d’altitude.

Le 26.6.40, à 9h du matin, par un temps de brouillard, nous avons débarqué dans ce sale bled d’Autriche. Ici, j’ai tout de suite vu que j’allais travailler dans une mine et j’ai eu cette déveine. Aussitôt débarqués, les autorités Autrichiennes sont venues nous chercher avec un gendarme qui nous a conduits à notre baraquement qui est environ à 1 km 1/2 de la gare. C’est un ancien atelier qui a été aménagé pour nous. Deux grandes chambres de 75 paillasses chacune et 2 poêles dans chaque chambre. Il faut aussi de la lumière en plein jour car 3 petites fenêtres comme il y a, ça ne suffit pas à peine même pour donner de l’air...




Le 26, nous avons passé la journée en repos et ce n’était pas de trop. Nous avons aussi bien mangé, mais le lendemain, qui était le 27.6.40, grand jour mémorable, un an après mon mariage, nous avons pris le boulot dans cette mine, dans la montagne et le soir tout le monde était bien fatigué de monter toutes ces marches : plus de 800 marches, sans compter les pentes. Quelle crève ! Et pendant une heure de marche, nous montons environ 1500 m. Il y a 53 étages de notre baraque au sommet de la mine et des locomotives à tous les étages avec de grosses pelles mécaniques prenant 4 à 8 mètres cubes de déblais à la fois. C’est un beau matériel électrique. Il y a aussi 1800 kilomètres de voies de chemins de fer dans cette mine de fer qui s’exploite à ciel ouvert et par souterrains, tunnels, etc.

Je me souviens encore du premier jour où nous sommes montés au boulot, dans cette mine, le 27 juin 1940. Et quel temps déplorable il faisait ! Pendant plus d’un mois il n’a pas cessé de tomber de l’eau tous les jours et défense de se mettre à l’abri. Nous étions comme des vrais rats d’égouts. Ces jours d’angoisses et de captivité sont gravés dans la mémoire pour toute la vie. C’est bien des fois que la nuit j’avais les larmes aux yeux en repassant ces beaux jours de vie civile que l’on ne sait pas apprécier. Enfin !


Le matin, à 5 heures, réveil et aussitôt on mange la « bonne soupe » à la farine d’avoine et on touche 200 gr de pain, une petite rondelle de saucisson et gros comme une noix de margarine. Tout cela, c’est pour le repas de midi que l’on fait sur le chantier en 20 minutes seulement et après « kéma » au boulot jusqu’à 5 h. A notre arrivée à la baraque, vers 6h, nous avons la soupe et une gamelle de rata sans pain. La préparation est facile et souvent très claire, le robinet à l’eau est prêt... C’est bien la cuisine de prisonniers !


Comme pays, c’est très froid et souvent couvert de nuages et de neige. C’est vrai qu’on travaille de 800 à 1500 m d’altitude. Dans le mois de juillet, août et septembre, j’ai vu tomber de la neige, alors il ne faut pas demander en hiver s’il fait froid. Il a fallu que je vienne dans ce pays d’Autriche pour travailler l’été avec la veste et la capote. Au boulot, nous sommes accompagnés de sentinelles et sous les ordres des contremaîtres civils. Il y a aussi des prisonniers Tchèques et Slovaques qui sont très gentils envers nous. Ils ne sont guère mieux que nous, question nourriture, seulement la liberté de se promener en ville.


Le samedi, à 3 heures, la semaine se termine pour nous, pour ensuite aller aux douches, c’est encore une dure corvée pour y aller, car il y a plus de 800 marches à monter !


Le 23 juillet, en rentrant du travail, on nous apprend que le camarade François Lambert est mort et enterré du matin et que 10 copains l’ont accompagné au cimetière. Il n’a été malade que 8 jours seulement, et c’est par manque de soins qu’il fut victime. Quel malheur d’avoir échappé à la mort pendant la guerre et de venir prisonnier pour y laisser sa peau...

Le 25 juillet, on nous disait que la paix était signée. Quelle joie, alors le soir on faisait tous des projets de vie civile, mais hélas c’était une fausse joie et nous ne voyions pas venir cette chère vie civile. Le lendemain, le commandant du camp nous a rassemblés pour nous dire les régions occupées ou non. J’étais heureux de savoir que la Vienne n’était pas occupée mais, depuis, j’ai vu d’après mes lettres que j’étais en zone occupée dernière limite...


Le 29 août 1940, j’ai enfin reçu le premier colis du camp qui m’a fait grand plaisir. Il y avait une serviette à débarbouiller, deux mouchoirs, une boîte de sardines, un paquet de petits beurres et une tablette de chocolat.


Le 14 septembre, j’ai reçu la 1ère lettre de ma petite Madeleine. C’était une joie pour moi d’avoir de bonnes nouvelles attendues depuis bien longtemps. Enfin, le 21 et 29 septembre, lettres de Madeleine et de ma petite sœur. Le 12.7 et 19 octobre, lettres de Madeleine et Marie. Le 2 novembre, 1 de Madeleine et de ma mère. Le 6 novembre, une de ma sœur m’annonçant un colis de 5kg que j’ai reçu le 31 octobre et qui m’a fait beaucoup de plaisir, car depuis le 30 mai, jour de ma captivité, je claquais des dents dans cette montagne et les pieds dans la neige, avec un vent glacial les 3/4 du temps. A cette époque, je n’avais pas grand chose pour me couvrir. J’avais fait une flanelle avec des chaussettes russes que j’avais achetées à la cantine et une ceinture avec mes bas de pantalon. On avait plutôt l’air de clochard que de nouveau riches. Mes souliers étaient usés jusqu’à la tige, il n’y avait plus de talon et jusqu’au mois de décembre, je suis monté au boulot avec des chaussures défoncées et dans une moyenne de 50cm de neige. J’ai eu de la chance de ne pas attraper de mal...


Tout l’hiver, notre boulot était d’enlever la neige qui était sur les voies, puisque les chasses neiges ne peuvent pas enlever tout, car la couche atteint à bien des endroits 1,50 m.

Dans notre cantonnement qui est une grande baraque à frigo, on y gèle avec deux gros poêles qui ronflent jour et nuit. Heureusement que nous ne sommes pas rationnés pour le charbon. A part cela, quand il ne tombe pas de la neige, notre boulot consiste à faire des poses de voies de chemins de fer et des talus, ce qui n’est pas la pause... Les 24, 25 et 26 décembre, repos à la baraque. Le 24, on nous a fait faire un arbre de noël et, au soir à 8 heures, le commandant a fait, un discours très touchant que l’interprète nous a traduit en français. Ce même jour, nous avons eu deux repas chauds, à midi et à 5 heures et après, le thé au rhum, ou plutôt une espèce de tisane de menthe et le rhum sont passés devant le café mais pas dedans...

Le 25, grand jour de noël et grand jour de cafard pour moi et bien d’autres aussi. A 7 heures, réveil et aussitôt après, un café et pas du Gilbert, une part de pain comme d’habitude et un autre petit pain au raisin genre pain d’épices, ce n’est pas mauvais. C’est vrai qu’on est tellement privé que tout est bon. A 8 heures, nous avons été à la messe, dans une petite église très simple. A midi, dernier repas, soupe vermicelles et rata aux patates et choux. C’était bon et il y a eu du rabiot, et comme dessert, café. Et voilà le grand repas des prisonniers terminé. Alors, pour le repas du soir, j’ai conservé mon pain aux raisins et avec ma boîte de pâté, je vais faire un excellent repas de noël sur le pouce. J’ai encore ma bouteille thermos pleine de café et voilà ma journée de Noël passée bien tristement, sans pouvoir m’empêcher de lâcher des larmes avant de m’endormir, sur ma vieille paillasse, à côté de mon vieux copain Paziot et Petit.


Le 26, lendemain de Noël, dernier jour de repos, réveil à 7 heures, à 7 heures 1/2, café avec la part de pain, comme d’habitude et de la margarine. A 10 heures, revue de capote et de gants de travail, à midi repas quotidien et unique, avec soupe vermicelles et ratat patates carottes assez bon. Et pour terminer, café et une rondelle de saucisson de 2 cm d’épaisseur, pour le soir. Alors, avec cela, je vais faire cuire une boite de tomates avec des oignons que j’ai achetés à la cantine civile. Malheureusement, on ne nous vend plus de vivres car il n’y en a même pas assez pour les civils. Le 30 décembre, j’ai reçu un colis de soi-disant 1 kg qui devait contenir du pain grillé, des abricots secs et trois pommes, mais le reste était absent, ce qui m’a bien vexé car je n’ai pas le plaisir de recevoir des colis tous les mois, et moi qui croyait améliorer l’ordinaire pour mon jour de l’an 1941. Du coup, le jour de l’an a été de la plus grande simplicité. Ce jour là, j’ai encore eu le cafard toute la journée puisque depuis trois semaines, je ne reçois pas de lettres et qu’une portion de colis. Enfin, il faut se laisser vivre comme des bêtes qui attendent la liberté avec impatience...

Le 7 janvier 1941, j’ai été chez le dentiste me faire arracher une dent et pas sans souffrances, car endormir les chairs, ce n’est pas connu pour les prisonniers. C’est un charcutier qui arrache 60 dents à l’heure, il ne donne même pas d’eau pour se laver la bouche. A ce moment là, c’était une grande période de froid et de neige, pendant 6 mois dans la neige jusqu’aux genoux et avec des souliers qui sont défoncés. Quel froid faut-il endurer dans cette sale montagne, vraiment, il faut avoir un tempérament de bête pour ne pas attraper de mal !


Le 17 janvier a aussi été pour moi une journée de bagne avec le civil qui nous commande, au travail, et qui nous a mené la vie dure. Et en plus de cela, le temps était déchaîné, car il tombait de la neige à flot et une tempête a tout cassé, mais défense de se mettre à l’abri. Je peux dire que mon passe-montagne m’a rendu grand service...


Le 19 janvier, j’ai acheté une bouteille de vin pour la 1ère fois et avec mes deux vieux copains Paziot et Petit, nous allons chasser un peu le cafard qui ne veut pas nous quitter !


La 1ère semaine de février a été très dure à cause du grand froid et de la couche de neige qui dépasse 1 m, surtout avec ce maudit gardien qui nous commande, au boulot, et qui ne peut pas nous sentir. Alors, il nous en fait voir de cruelles. Jusqu’à présent, je n’ai pas pu mettre de chaussettes car mes souliers sont trop petits et tout défoncés. On ne me les a pas encore changés depuis le début. Faut-il en endurer du froid et des misères dans cette pauvre vie et avoir un tempérament de bête ? A chaque instant, je me demande si le jour de la libération viendra un jour pour ne plus voir cette mine d’Eisenerz et ses chaînes de montagnes, toujours blanches de neige à la belle année...


Le dimanche 9 février, après notre dîner de prisonniers, il y a deux de nos camarades qui sont partis pour le Stalag pour partir ensuite en France pour cause de santé, dont le sergent Mourges qui nous a fait un amical adieu, dans son petit discours que voilà, car j’en ai fait la copie en souvenir de ce bon camarade Mourges.



« Chers Camarades.

Si partir, c’est mourir un peu, avant de vous quitter, je tiens à vous adresser un adieu amical. A certains, un au revoir très proche. Le souvenir que j’emporte de notre camp est celui d’une grande famille qui n’a fait que croître en bonne intelligence, à mesure qu’elle diminuait de nombre. Vos peines, vos soucis, vos joies ont été les miennes. L’espoir que vous rentrerez un jour dans vos familles dans un avenir prochain doit plus que jamais vous réconforter et maintenir le courage qui soutient. Continuez la bonne entente et la charité envers les copains. De tout cœur, merci, chers camarades aux diversions qui à certaines heures ont effacé les idées noires. Souhaitant laisser un bon souvenir parmi vous, je vous dis à bientôt, la joie de retrouver notre chère France. »

               Pierre Mourges.


La dernière semaine de février à été très dure encore, pour moi, avec notre vieux civil qui n’arrête pas de nous en fait voir de cruelles. Et toujours « kéma, kéma ». C’est son grand refrain. En plus de cela, nous avons la boule de pain à 4, ce qui nous fait un casse-croûte bien minime, avec la petite rondelle de saucisson et de margarine. On ne risque pas les dilatations d’estomac. Avec cela, il faut faire 10 heures de boulot et à midi, 20 minutes seulement nous sont accordées pour écraser notre minuscule casse-croûte. Quelle triste existence, la vie des prisonniers vendus, comme nous l’avons été à cette guerre... Le 1er mars, j’ai enfin changé d’équipe. Je suis avec 4 copains, Zimerman ou Charpentier, plutôt. Là, nous sommes en plein bois et embêtés par personne. Pas de civil, nous sommes nos maîtres. Notre boulot consiste à équarrir des billes de bois de sapins de 6 m de long qui sont destinées à faire un chemin pour passer une grosse pelle mécanique électrique de 180 tonnes. Notre boulot a duré un mois et nous avions 3 Marks de prime par semaine car l’ingénieur était content de nous. Il nous faisait mettre ces billes de sapins par 10, côte-à-côte et enfilées par un câble à chaque bout pour que la pelle puisse les déplacer elle même plus facilement en paquets de 10.
Après cela terminé, je suis retourné dans une autre équipe avec les copains, pour faire du terrassement et de la pose de chemins de fer.



Chanson des prisonniers de guerre Alpine Montan 
1er couplet
Il est là bas en Autriche. Un certain nombre de prisonniers, (bis) Ouvrier, pauvres et riches dont le sort n’est pas à envier,
Ils sont marqués par la malchance et doivent subir le destin,
Se taire et souffrir en silence grincer des dents et crever de faim.



Refrain
En trimant dans la montagne, souviens toi, souviens toi,
Que là-bas dans nos campagnes, on attend après toi.
De
Sabbourg à Eisernerz, écoutez nos cris de détresse.
En trimant parmi les pierres, c’est nous les prisonniers de guerre.



2ème couplet
Aussitôt que la journée se termine, nous rentrons tous harassés, (bis) Reniflant l’odeur de la cuisine, partons tous sur nos saladiers.
Mais soudain d’une voix sauvage, notre camarade s’écrie :
Venix arbeit, venix ménage. Aussitôt tout le monde a compris,

On fera ballon, il n’y a pas de bon, nix bon.


3ème couplet
Le wagonnet c’est un vrai cauchemar, aussitôt remplis faut les vider, (bis) De tout ce boulot, on en a marre et parlons de démissionner.
Comme récompense, il y a des primes certains d’eux en ont touché. Comme châtiment y’a la cabane, aux parois très capitonnées.

Pour tolards il n’y ni lard ni sauciflard.


4ème couplet
Pour le repos hebdomadaire, il faut encore plus travailler, (bis) Repasser ses fringues, laver par terre, sans oublier les autres corvées, Car il ne faut pas qu’on se doute qu’on est tous déguenillés,
Et que marchant sur la grand route, on a usé tous nos souliers.
Laver à grande eau, chasser les totos, voilà le boulot.



5ème couplet
De ce putain de terre Autrichienne, bien sûr qu’un jour on partira, (bis) En laissant ici toutes nos pierres, leurs marmelades et autres plats.
A nouveau de retour en France on racontera en souriant,
Tous nos malheurs et nos souffrances, les amours de notre commandant, Et on dira: "Adieu tout ça et rata plat plat."



Dernier refrain
En quittant cet affreux bled, souviens-toi, souviens-toi,
Que comme la lame de Tolède, tout a duré en toi.
Vive notre bon vin de France, Adieu flèche et tisane rance. 

Quittant la terre étrangère, c’est nous les prisonniers de guerre.

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Fait le 9 mars 1941, à Eisenerz, Autriche, un jour de grand cafard.




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Chanson copiée sur le trait d’union. 
1er couplet
En captivité, je prie le seigneur qui est de toute beauté, De nous garder l’un et l’autre,
De conserver bien pure notre âme et notre cœur,
Et aussi notre dame sa mère, et la nôtre.



Refrain
Ta présence me suit ô Madeleine bien aimée,
Dans mon exil lointain, je te sens près de moi,
Car mon regard reflète le bonheur, la joie,
Depuis le jour béni de la douce hyménée, ô Madeleine bien aimée.



2ème couplet
Après ces jours d’angoisses qui nous ont grandis, Notre mission sera plus forte et plus féconde,
Et notre vie intime, au milieu de ce monde,
Sera peut-être ainsi un peu du paradis.



A Eisenerz, le 10 mars 1941.


Le 6 avril, nous avons eu alerte contre les avions et on a été mis sous clef, toute la journée du dimanche, dans notre vieille baraque. C’est la vie de prisonniers.


La semaine de Pâques a aussi été bien triste. Il n’a pas cessé de tomber de la neige à flot, et tous les jours, on monte à la montagne malgré toutes les intempéries. Chez nous, on ne voudrait même pas mettre un chien dehors. Enfin, malgré tout, la journée terminée, on oublie toutes ces heures d’angoisses et l’on tâche de chasser le cafard.


Depuis quelques jours, j’ai changé d’équipe et le civil qui nous garde est un bon petit vieux. Là, notre travail consiste à faire les manœuvres, approvisionner du matériel à des équipes : fer et bois ; et entre temps, on fait du terrassement.


Le 27 juin, notre petit vieux nous a demandé d’aller faucher son pré, après notre journée terminée, et nous y avons tous été, notre petite équipe de 6 camarades. Ce serait dommage de lui refuser ce petit service puisqu’il ne nous embête pas, au boulot. Comme récompense, il nous a donné à chacun un demi-litre de lait, une bonne tartine de pain et un bon morceau de lard, ce que nous avons trouvé très bon, et qui change beaucoup de notre ordinaire, qui est toujours la même ratatouille de choucroute, presque immangeable.


Depuis quelques jours où l’on parle de la collaboration Franco-Allemande, on nous ménage un peu et c’est la grande question du retour des prisonniers. Ce si beau jour que l’on attend avec impatience, depuis si longtemps.


Le 1er juillet, après la journée, j’ai fauché le foin de notre gardien, un très bon petit vieux. Il a pris une semaine de permission, du 1er au 6 juillet, et son remplaçant qui nous garde à l’usine nous en fait voir de dures. Il n’arrête pas de dire « kéma, kéma ». C’est un supplice d’être avec un gardien de la sorte ! Vivement que l’on retourne vers notre chère France, pour oublier ces jours de bagne et de cafard, auprès de ceux qui nous sont chers.
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La semaine du 6 au 13 juillet, nous avons eu notre petit grand-père comme gardien et c’est toujours un plaisir de travailler avec lui. Notre boulot était de faire les manœuvres à deux grands chantiers en construction, approvisionner du matériel aux électriciens et aux monteurs de machines. Et entre temps, on fait du terrassement pour recevoir les eaux sales qui ont servi aux lavages du minerai où le sable fin vient se recueillir, pour ne pas l’envoyer directement dans la rivière.


La semaine du 13 au 20 juillet a encore été très dure car nous avons changé d’équipe et nous sommes retournés avec notre ancien gardien, ce vieux lion qui ne comprend même pas le boulot. C’est malheureux de mettre des insignifiants comme lui à commander du travail et surtout, des prisonniers !


La semaine du 20 au 27, notre petit vieux est retourné dans notre petite équipe. Je n’y suis resté que trois jours et les trois autres jours de la semaine, je les ai passés au camp pour faire une baraque, avec trois autres copains qui sont charpentiers, eux aussi, et le commandant nous a félicités de notre boulot...


La semaine du 27 au 3 août, nous avons été travailler au 12ème étage et c’est un drôle de sport car chaque étage a une moyenne de 130 marches et il fallait arpenter tous ces étages plusieurs fois par jour car notre boulot consistait à poser une tuyauterie venant du haut de la montagne. C’est pour avoir une prise d’eau à chaque étage pour les locomotives à vapeur.


La semaine du 3 au 10 août a été très froide. Le 6, il est tombé de la neige et pendant quelques jours, il ne faisait que de 6 à 10 degrés au dessus de 0. Quel pays pour faire une température comme cela en plein mois d’août. Toute la semaine, nous avons travaillé dans la mare où les eaux sales qui servent aux lavages du minerai viennent se perdre. Entre temps, nous avons aussi approvisionné du matériel aux monteurs de concasseurs.


Le 9 août, mon vieux copain de guerre, de captivité et de misère vient de nous quitter et ça m’a fait de la peine de le voir partir, depuis deux ans, nous étions comme trois frères, avec Paziot.

La semaine du 10 au 17 août a été de pluie au début de la semaine mais n’a pas été trop froide malgré le mauvais temps. Comme boulot, je n’ai pas été trop malheureux. J’ai fait des chevalets de 6 mètres de haut pour faire une passerelle et en même temps pour passer une tuyauterie d’eau pour évacuer les eaux sales qui ont servies aux lavages du minerai. Toute la semaine j’ai eu le cafard parce que mon vieux copain Petit nous a quittés.

La semaine du 17 au 24 août a été très froide et presque toute en orages. Il n’a guère fait que 5 à 10° au dessus de zéro. C’est un bien triste mois d’août.


La semaine du 24 au 31 août n’a pas été très belle. De la pluie presque tous les jours et le contremaître ne veut pas qu’on se mette à l’abri, pourtant il est content de notre boulot puisqu’il nous a donné 2 Marks 50 à chacun.


Ce qu’il y a de fatiguant, c’est qu’il faut se taper 1500 marches tous les jours pour monter au boulot. Rien que cela est une bien dure corvée. Il y a des équipes qui prennent le funiculaire pour monter encore plus haut que nous et jusqu’au sommet de la montagne. Le dimanche, il nous arrive aussi de travailler pour remonter des voies de chemins de fer qui servent à transporter les débris de minerai qui sont en remblai. Plusieurs fois, où j’ai travaillé le dimanche, j’ai vu des processions d’hommes, femmes et enfants en excursion dans cette montagne de fer. Quand il y a du soleil, c’est beau à voir ces processions de couleurs étincelantes, de robes tyroliennes. Au sommet de cette montagne qui fait 2200 m, il y a une grande buvette qui sert de refuge aux alpinistes.


La semaine du 30 août au 7 septembre a été aussi très froide. Une bonne partie de la semaine, jusqu’au vendredi matin, le mardi et mercredi, il est tombé de la neige et il fallait porter toute la garde robe sur le dos tellement le vent était piquant et, comme le versant principal de la mine est orienté en plein nord, il ne faut pas demander si il y fait froid, à 1500 m d’altitude.


Cette semaine, notre boulot était de monter une voie de chemin de fer pour monter d’un étage à l’autre et ça monte tellement rapidement que samedi matin il est arrivé un accident. Une locomotive, en descendant des cailloux de ballasts de cette voie en question fut entrainée par ses wagons chargés, et malgré les freins, de la loco et des wagons, bloqués, on ne put éviter l’accident qui s’est limité à des dégâts matériels. A faire ce travail un peu spécial, comme dit le contremaître, nous avons eu 2 Marks 50 de prime, un camarade et moi.


La semaine du 7 au 14 septembre a été très froide avec de la neige et de la pluie. Le lundi 8, nous avons été piqués à la poitrine contre la typhoïde, après le boulot, à 8 heures du soir, et le lendemain, au boulot comme les autres jours. Il y en a qui avaient la fièvre mais on ne s’occupe pas de cela à l’usine Alpine Montant. Le mardi, de la neige et le reste de la semaine, même temps. Il n’a guère fait, plus de 7° au dessus de zéro.

Aujourd’hui, dimanche, il y a une équipe de trente prisonniers qui est allé travailler et il est tombé des averses toute la journée. Il faut avoir la peau plus dure que les vaches puisqu’on ne les sort pas, à la montagne quand il fait mauvais temps et les prisonniers, on n’y regarde pas.


La semaine du 14 au 21 septembre a été froide dans les 1ers jours de la semaine et, les derniers jours, nous avons eu un peu de soleil. On peut dire un peu car il est tout de suite caché par les montagnes. Les jours semblent moins longs quand on aperçoit le soleil. Le 17, le camarade Robert Paziot a reçu des nouvelles du copain de guerre et de captivité qui est maintenant de retour chez lui, ce qui nous a fait beaucoup de plaisir mais, ça donne le cafard en lisant la lettre de ce cher copain qui, il y a un mois, était comme nous derrière les barbelés. Le 16, nous avons eu une représentation de cinéma, au camp principal, ce qui a passé un peu le cafard.


La semaine du 21 au 28 a été très belle. C’est plutôt rare, ici, les belles journées. C’est vrai que c’est le plus beau mois de l’année. Le lundi, je suis monté à la montagne comme d’habitude, pour travailler à la voie qui monte du 5ème au 6ème étage. Le mardi, j’ai été chez le dentiste pour me faire plomber une dent. C’est un drôle de bricoleur. Il m’a gratté la dent et soi-disant, plombé aussitôt. Le mercredi je suis retourné au boulot, à notre mare, avec le petit vieux comme gardien. Ici, on est tranquilles. Le jeudi, je suis retourné chez le dentiste qui m’a poli la dent quelques secondes et il l’a laissée comme cela avec un pansement de coton. Et il appelle cela plomber ! El alors il m’a demandé trois Marks. Si seulement il avait fait du boulot pour trois Marks ! Vendredi et samedi, je suis retourné à la mare, pour quelques jours certainement, avec la petite équipe qui est sur les cartes postales que j’ai déjà envoyées.


La semaine du 28 au 5 octobre a été aussi à peu près belle. Comme boulot, ça va. Ca consiste à faire des chevalets de 6 mètres de haut pour passer une tuyauterie d’eau qui sert au lavage du minerai et qui vient se perdre dans cette mare. Entre temps aussi, on nous fait, transporter du matériel pour des bâtiments en construction. Ca change un peu ! Enfin, pour le moment, il ne faut pas se plaindre, avec notre petit vieux comme policier, on est assez tranquille.


La semaine du 5 au 12 octobre a été très mauvaise, des tempêtes de neige et de vent. A peine si l’on pouvait rester debout. Quelles tristes journées faut-il passer sur cette pauvre terre ? Tout, le début, de la semaine, nous avions le petit vieux policier et, à partir du 10 il est en perme, ce qui nous a fait changer de boulot. Le 11, on nous a bien possédés. Il a fallu d’abord monter au 7ème étage, puis à 10 heures descendre au premier pour chercher du matériel qui se trouve au-dessous de notre baraque. Là, nous l’avons chargé dans des camions et ensuite, nous avons été le décharger au 11ème étage, à une petite gare qui a fait le transport à destination. C’est ici qu’on nous a eus au virage. Le temps où nous étions en train de charger le matériel sur les wagons, le camion est redescendu et nous sommes restés avec deux crics que nous avons été obligé de descendre à l’épaule, au 1er étage. Le lendemain, dimanche 12, par un temps déchaîné, on a été pris, 20 hommes pour charger 120 wagons de charbon, ce qui était très dur, avec le temps qu’il faisait. Le 7, nous avons eu une représentation cinématographique, au camp principal d’Eisenerz et c’est pour remplacer la journée que nous avons été au boulot aujourd’hui.


La semaine du 12 au 19 septembre n’a pas été très belle. Il est tombé pas mal de pluie et nous étions obligés de rester quand même. Nous n’avons fait que transporter du matériel du 1er au 5ème étage et samedi, il s’en est fallu de peu pour qu’il nous arrive un accident en transportant de traverses de chemin de fer. Dans une remorque trainée par un tracteur et dans une descente, la remorque est passée devant le tracteur et nous étions 7 dedans plus le civil qui a eu grand peur et nous aussi. C’est que nous avions un ravin de 50 mètres devant nous et tout s’est trouvé bloqué à 1 m de cette pente. Aujourd’hui, dimanche 19, il tombe de l’eau à verse et il y a 30 camarades qui sont au boulot depuis ce matin 5 heures. Il ne fait guère meilleur que dimanche dernier où l’on pouvait à peine même tenir debout avec la tempête de neige qu’il faisait.

La semaine du 19 au 26 a été très froide. Presque tous les jours de la neige, ce qui n’est guère agréable pour travailler dehors comme ici où il n’y a pas de boulot à l’abri. Comme boulot, c’est toujours la même chose, dans la mare à brouetter du sable. Jeudi, nous avons eu une paire de mitaines donnée par l’usine et aujourd’hui dimanche, nous avons été au théâtre, au grand camp de prisonniers d’Eisenerz, organisé par un groupe d’entre eux parmi lesquels se trouvent de très bons organisateurs. Nous y sommes allés seuls, sans sentinelle, pour la première fois.


La semaine du 26 au 2 novembre n’a pas été très belle, surtout accompagnée de grandes bourrasques de neige et d’un vent piquant. Cette semaine est la première où nous sommes sortis du camp seuls, pour aller à la montagne. Hier, jour de la Toussaint, nous avons été au cimetière, sur la tombe du camarade François Lambert, décédé à Eisenerz, au mois de juillet 1940... Nous nous sommes tous cotisés pour acheter une grande couronne et c’est le camarade Paziot et moi qui avons été chargés d’emporter la couronne sur la tombe du défunt, comme nous ne restions plus que les deux seuls camarades. C’est bien triste de venir si loin pour mourir, après avoir tant souffert. Aujourd’hui, avec mon vieux copain Paziot, nous avons fait un plat de faiIlots et une boite de poulet que ma chère sœur m’avait envoyés. Nous nous sommes tapés la cloche.




Chanson des prisonniers de la butte,
créée par un camarade du camp !



Partir au boulot de bonne heure,
Voilà bien là notre destin,
D’être prisonnier sans honneur,
Et de songer au jour où l’on en verra la fin. 

Partir au boulot de bonne heure,
Passant au guichet chaque matin,
On touche sa saucisse, son bout d’beurre,
Oui c’est bien peu pour un jour quand on a faim.



Refrain
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C’est nous les gars de la butte,
Plein de courage et d’endurance,
C’est nous les gars qui contre le froid luttent, 

En pensant au sol de France.
Voilà les gars qui d’une montagne abrupte, 

Et malgré mille souffrances,
Gravissent tous au sommet,
Mais gardent en bons Français,
L’espoir d’être bientôt libérés.





2ème couplet
Un grand souci seul nous obsède,
Son estomac à contenter,
Car grand appétit l’on possède,
De dévorer vite sa ration on est tenté. 

Parfois à une faiblesse on cède,
On s’met en quête d’un peu d’repos,
Pour ça, c’est l’toubib qui nous aide,
En soulageant nos engelures et tous nos maux.


3ème couplet
Pour nous divertir les dimanches,
On parle des colis du retour,
On oubli l’froid, la neige blanche,
Pour ne songer qu’a sa famille à ses amours. S’priver la s’maine pour le dimanche,

Faire un bon r’pas voilà le jour,
D’une part de pain, d’une fine tranche,
On commence ce ainsi les festins des beaux jours.



4ème couplet
Si not’ séjour trop se prolonge,
Nous n’en gardons pas moins l’espoir,
Qu’un jour viendra plus beau qu’un songe,
De faire d’Eisenerz le caveau d’nos idées noires, Quand l’train roulera vers notre France,
Nous emportant à toute vapeur,
Nous degust’rons peut-être un peu rance,
Notre dernière tranche de lard et morceau d’beurre.


Copiée un jour de cafard où il tombait de la neige à flot.


La semaine du 2 au 9 novembre a été abominable avec ses grandes tempêtes de neige et il fallait déneiger les voies de l’usine, malgré le mauvais temps. On ne se voyait pas à 10 mètres tellement ça soufflait dur.


La semaine du 9 au 16 novembre a été à peu près. La neige a presque toute fondue. Enfin, il faisait meilleur que la semaine dernière à travailler dans notre mare. Pendant deux jours, nous avons travaillé au minerai et ce n’est pas le filon. Aujourd’hui, dimanche 16, j’ai été au boulot aussi, avec 10 camarades pour charger des camions de briques que nous prenions au 12ème étage pour les déposer au 1er. Dans l’après-midi, il faisait un vent fou qui cinglait la figure.


La semaine du 16 au 23 novembre n’a pas été froide et nous avons eu du beau temps. Lundi, nous avons eu repos puisque la journée du dimanche nous avons été au boulot toute la journée. Tout le reste de la semaine nous avons continué à la mare comme d’habitude, à piloter des brouettes de sables pour construire des digues et aujourd’hui, dimanche, on vient d’avertir 12 camarades pour partir demain a 5 heures.


La semaine du 23 au 30 novembre a été à peu près, dans la moyenne. Lundi, il y a 12 camarades qui sont partis pour Donavitz et 12 autres sont venus les remplacer et c’est des durs aussi. Tous les autres jours de la semaine, j’ai travaillé au 6ème étage, à faire des tranchées pour mettre des tuyauteries d’eau.


La semaine du 30 au 7 décembre a été froide mais pas de neige. Il a seulement gelé très dur. Notre boulot était toujours au 6ème étage, à faire des tuyauteries d’eau. On était obligé de prendre le pistolet de mines pour défoncer cette épaisse couche de terre gelée. Lundi, à midi, nous avons vu, dans le train, le camarade Paul Bruandet qui rejoignait le Stalag pour partir en France comme marin. Samedi 6, à midi aussi, le dernier matelot qui restait au camp de Krumpental avec nous nous a fait ses derniers adieux pour partir en France, pour soi-disant être remobilisé pour aller combattre aux colonies, ce qui n’est guère encourageant...


La semaine du 7 au 14 décembre a été très froide, avec beaucoup de verglas et une espèce de neige fondue qui n’a pas cessé de tomber de la semaine. Jeudi, il y a eu inauguration d’un atelier au 6ème étage où nous faisions des tranchées, toujours pour mettre des tuyauteries d’eau. Dans cet atelier, il y a eu un grand discours, par un grand ministre Allemand. Plusieurs centaines d’ouvriers y étaient présent. C’était bien escorté de la police. Nous, pendant ce discours, on nous a envoyé au cinéma, au camp principal d’Eisenerz qui se trouve à environ 4 km de notre camp. En revenant, je me suis étendu sur la route verglacée et je me suis fait mal dans le dos, ce qui m’a fait rester au camp vendredi puisque j’étais incapable de grimper à la montagne. Aujourd’hui, dimanche 14 décembre, nous avons tous été au boulot pour rattraper le jour de Noël. Le soir, comme festin, avec mon copain Paziot, nous avons fait un plat de nouilles au gratin avec du saucisson Austria (nix goût) et un bon poulet de ma petite Madeleine.

La semaine du 14 au 21 décembre n’a pas été très belle, nous avons eu de la neige, du vent qui cinglait la figure. En plus de cela, le soir, quand nous étions rentrés, il n’y avait pas de feu à la baraque. Les poêles étaient en réparation et toute la semaine a été comme cela, bien triste. Le dimanche 21, nous avons travaillé toute la journée sous la neige, ce qui a été une grande journée de cafard pour moi et bien d’autres.


La semaine du 21 au 28 a été abominable. Des tempêtes de neige ont tout cassé, toute la semaine. Nous avons eu juste la journée de Noël de repos et tous les jours, il faut déblayer de la neige. Il y en a une couche de 1,50 m. On ne se voit pas dedans. La veille de Noël, nous avons mangé, Paziot et moi, un bon plat de prisonnier : du canard avec des pommes sautées. C’était excellent. Le jour de Noël : un plat de veau au céleri que ma petite Madeleine m’a envoyé la première fois après 18 mois de captivité. Je l’ai trouvé bon, ça ne se demande pas.


La semaine du 28 au 4 janvier a été atroce, plus que jamais. Des tempêtes de neige à ne pas tenir debout. Comme fête du jour de l’an, nous avons déblayé les voies tous les jours, sans arrêt. Une couche normale d’un mètre cinquante et par endroit de plus de deux mètres. On ne fournissait pas à déblayer, malgré qu’il y ait encore des chasse-neige pour nous soulager. Toute cette semaine, j’ai eu un cafard noir. En plus de cela, voilà plus d’un mois que je n’ai pas de lettre. Heureusement que j’ai reçu un colis avec une lettre dedans, ça chasse les idées noires. Aujourd’hui, dimanche, nous avons fait un bon repas de prisonnier, Paziot et moi. Nous avons d’abord mangé une boîte de haricots. Après, j’ai ouvert une boîte de rôti de porc qui était excellent. Ensuite, une boîte de gelée de fruit, toutes ces bonnes choses d’une saveur sans égal. Comme dessert, du gâteau que ma petite Madeleine m’a envoyé et comme digestif, du café Français avec un coup de gnole du pays. Avec toutes ces bonnes choses, jugez un peu si un pauvre prisonnier peu se régaler ! A côté du plat unique journalier qui se compose de patates cuites à l’eau et c’est tout !


La semaine du 4 au 11 janvier a été une vraie peste de neige. Enfin, nous avons eu lundi et mardi comme jours de repos de Noël et le reste de la semaine, nous avons eu à déblayer la neige. Quelle purée, pendant 6 mois ce sale boulot. Les chasse-neiges ne résistent pas à la trop forte pression de la neige et les locos et motrices n’adhèrent pas à la gelée. Hier, 11 janvier, il y a eu un grand championnat de skieurs et il y en avait comme as du ski. Ils descendaient une pente tellement rapidement que j’en ai vu passer deux sur des brancards. Il faut être vraiment hardi pour se lancer sur des pentes de la sorte.


La semaine du 11 au 18 janvier a été très froide : une moyenne de 20 au-dessous de zéro. Ce n’est pas le filon d’être 10 heures dehors, et à partir d’aujourd’hui, il y a une équipe de jour et une équipe de nuit pour remplacer les civils qui sont mobilisés. Le jeudi 15 janvier, j’ai été embauché aux grands ateliers de menuiserie et de charpente d’Eisenerz. Là, je crois que je n’y serais pas trop mal. L’atelier n’est pas trop mal chauffé et on est à l’abri au lieu d’être dans 2 mètres de neige, ce qui est déjà une belle chose étant prisonnier.


La semaine du 18 au 25 janvier a été très froide. Il a fait de 25 à 28 degrés en-dessous de zéro, ce qui n’était pas marrant. Enfin, cette semaine je n’ai pas à me plaindre. Je suis dans l’atelier de menuiserie, bien au chaud à faire des espèces de meubles pour mettre les effets à l’abri de la poussière, dans les ateliers. Notre atelier est très moderne, avec aspirateur sur chaque machine et sur tout le matériel d’établi portatif.


La semaine du 25 au 1er février n’a pas été aussi froide que les quelques dernières semaines passées. Cette semaine, j’ai fait une armoire, personne ne m’embête au boulot. J’ai fait aussi un petit réveil à un copain. Dans la ville, il y a 5 gros diffuseurs qui surplombent la ville et pendant plusieurs heures, on entend un discours. C’est la façon de gonfler les gens, ici.

La semaine du 1er au 8 février n’a pas été extrêmement froide, mais de la neige en pagaille, encore. Il y a 4 camarades qui sont partis lundi pour le Stalag : Moulinet, Pigeaut, Martin, Treizepeuche. J’ai envoyé, par eux, trois cartes qui, j’espère, arriveront à leurs destinations. Cette semaine, j’ai été travailler deux jours au musée de la mine pour emballer la maquette de la mine, au réduit, avec la montagne, la ville et tout, comme si c’était naturel. On l’a expédiée pour une exposition, à Vienne. C’était très bien fait.


La semaine du 8 au 15 février, il y a eu quelques jours de beau mais aussi de grandes tempêtes de neige. Enfin, je ne m’en suis guère aperçu, puisque j’étais à l’atelier. Il n’y a que le midi, pour aller manger à un camp, à 1 km de l’atelier. A part cela, comme boulot, on fait ce que l’on peut et on laisse le reste, c’est assez tranquille.


La semaine du 15 au 22 février, il y a eu beaucoup de verglas causé par le dégel. A part cela, je suis toujours au chaud, dans l’atelier. Cette semaine, nous avons fait des établis pour l’école professionnelle.


La semaine du 22 au 1er mars n’a pas été très froide, puisqu’il y a eu du dégel. On ne pouvait pas se tenir, pour aller au boulot. Je fais 250 tiroirs d’atelier pour 40 établis d’atelier mécanique. C’est du bon boulot. C’est déjà ça, puisque personne ne nous embête. Cette semaine, on a fait la quête pour le secours national et presque personne n’a donné...


La semaine du 1er au 8 mars n’a pas été très froide. Ce n’est plus que du verglas, sur les routes, ce n’est pas le filon pour aller au boulot. Aujourd’hui, on nous a demandé du pognon pour les bombardements de Paris ces derniers jours ou plutôt pour les victimes de ces bombardements qui sont certainement des innocents, eux aussi, mais qui ont payé de leur peau.


La semaine du 8 au 15 mars n’a pas été très froide, il y a eu beaucoup de gelée. A part cela, le sort ne s’améliore pas : les civils mangent leur pain sec et touchent des pastilles vitaminées pour remplacer le bif. Moi, ce soir, j’ai fait cuire des fayots et une boite de rôti de porc. Nous nous sommes régalés, Paziot et moi.


La semaine du 15 au 22 mars, j’ai eu un cafard noir. J’ai quitté l’atelier de menuiserie et je suis à la mécanique, comme manœuvre, et le temps semble long. Avec cela, restriction sur restriction...


La semaine du 22 au 29 mars n’a pas été très froide. Il a même beaucoup dégelé, ce qui est dégoûtant : une vraie bouillabaisse.


La semaine du 29 au 5 avril, semaine des Rameaux, a été comme d’habitude très froide. Il est même tombé de la neige et aujourd’hui, jour de Pâques, il fait un temps superbe. A l’atelier, j’ai vu que les civils étaient comme nous. Ils n’ont plus grand chose à manger et ils n’ont le droit de rien dire. Ils font des patates cuites dans les cendres, eux aussi, qu’ils mangent en cachette pendant les heures de boulot.


La semaine du 5 au 12 avril n’était pas de ces plus chaudes : un jour de neige et l’autre, de la pluie. Le 10 avril, je suis retourné chez le dentiste pour me faire plomber deux dents et il ne m’a fait qu’un pansement à une dent du bas qui n’a même pas tenu.


La semaine du 12 au 19 avril a été à peu près malgré qu’il soit tombé de la neige une journée. Le 14 avril, je suis allé chez le dentiste me faire faire un pansement à une dent et le 17, j’y suis retourné pour m’en faire plomber deux. C’est un drôle de dentiste : on dirait un quincailler, avec sa blouse noire.


La semaine du 19 au 26 avril a été très sale, il est tombé de l’eau toute la semaine. Le 21, je suis retourné chez le dentiste pour me faire polir mes dents plombées. A part cela, je suis aux ateliers mécaniques et depuis lundi, je fais le balayeur. Je suis à l’abri, mais tout me dégoûte !


La semaine du 26 au 3 mai, il est tombé de la neige et il gèle, mais je suis à l’abri, à balayer mon atelier de tourneur. Le 30 avril, j’ai mangé de la biche. C’est un de mes copains qui avait tendu un collet et qui en a cravaté une. Étant au boulot et à plusieurs, ils l’ont ramenée à la baraque, étant débitée par morceaux. Et pas besoin de demander si c’est bon.


La semaine du 3 au 10 mai n’a pas été trop mauvaise, ni froide, mais j’ai reçu une lettre de ma petite Madeleine qui m’a fait quelque chose en apprenant que ma tante Zélie de Moisseau est morte le 11 avril et enterrée le 13 avril. Toute la semaine a été de cafard, pour moi, car je l’aimais bien, ma pauvre tante ! Aujourd’hui, pour chasser mon cafard, je fais une brosse à chaussures puisque l’on ne trouve rien à acheter. Ça me fait penser à ce jour mémorable du 10 mai, il y a deux ans, où nous arrivions en Hollande, sous le feu intense des bombardements d’avions.

La semaine du 10 au 17 mai a été très favorable pour quelques prisonniers qui se sont évadés. Du coup, nous sommes accompagnés partout, maintenant. Moi, depuis un mois où j’ai attrapé une hernie, je fais le balayeur dans un atelier de soudure électrique et autogène.


La semaine du 17 au 24 mai, nous avons eu un camarade qui a reçu la médaille militaire, le dimanche 17 et nous avons arrosé cela tous en cœur, dans un grand calme car nous n’avions pas de pinard. A part cela, la semaine n’a pas été très belle, de la pluie presque tout les jours. Le principal, c’est que j’étais à l’abri.


La semaine du 24 au 31 mai a été un peu agitée, avec raison, plus à manger et du boulot quand même, mais ça ne prend plus. En plus de cela, la nuit du 30, il y a 4 camarades qui se sont échappés du camp de Krumpental et aujourd’hui, c’est la grande chasse à l’homme. Hier, j’ai vu 6 Anglais qui venaient chercher des affaires au magasin et ils m’ont causé et donné un paquet de cigarettes anglaises.


La semaine du 31 mai au 7 juin a été chaude, par rapport aux autres semaines. Nous avons appris aussi que plusieurs grandes villes en Allemagne avaient été bombardées et rasées et qu’il y avait 22 mille morts à Cologne.


La semaine du 7 au 14 juin, je me suis brûlé un bras avec un rail qui venait d’être chauffé au chalumeau et je suis resté à la baraque 3 jours, jeudi, vendredi et samedi au soir, nous sommes partis de notre vieille baraque de Krumpental, pour un nouveau Komando. Avant de partir, j’ai vu des prisonniers russes. Ils ne sont pas beaux à voir, eux non plus, tous maigres comme nous, au début de notre captivité. Il était question de nous faire une quête aussi, pour les prisonniers indigents. Maintenant, voilà les gares où nous sommes passés, pendant notre trajet, au nouveau Komando :

Départ Eisenerz, ERZBERG, PREBICHL, VORDENBERG, MARKT, FRIDAUWERT, HANFING, TRQFAIACK, GMEINGUBE, St PETERFREIENSTEN, LEOBEN, DONAWITZ, où nous avons changé de train, NIKLASDORF, QBERACH, BRUCT, MUR, grande ville et fonderies industrielles, KAPFENBERG, NORD, (MARE IN, St LAURENZEN) KINDBERG, (NARTEBERG, MURTSAL), MITTEDORF, "WEITSCH, KRIEGLACK, arrivée au nouveau camp, le 13 juin, à 7 h du soir et bien fatigués d’avoir traîné tout ce barda depuis la gare, jusqu’au camp. Pour les baraques, c’est pas mal et la popote, à peu près. Surtout, ce qui est appréciable, c’est que nous ne sommes que 70. Avant de partir d’Eisenerz, il y a un camarade qui s’est marié par procuration, c’est bien triste aussi...

La semaine du 14 au 21 juin, dans ce nouveau bled, toujours dans la montagne, ça a été à peu près. Nous avons fait des coffrages pour des blocs en béton, pour mettre des marteaux-pilons. C’est une usine qui avait été commencée en 1914-18, par les russes et elle est restée en plan.


La semaine du 21 au 28 juin, nous avons fait du terrassement et transporté du sable que nous tirions dans une carrière, à proximité du chantier en construction qui sera pour mettre des laminoirs. Cette semaine aussi a été bien mémorable, le 3ème anniversaire de notre mariage et toujours prisonnier. Quelle triste existence et quand est-ce la fin ?


La semaine du 28 juin au 5 juillet a été du supplice, pour moi. Une souffrance à s’en cogner la tête contre les murs. Le lundi, je vais au boulot avec le nouveau camarade Latreille et par un soleil brûlant, je sens quelques petits boutons entre peau et chair qui me brûlaient le front. Enfin, la journée passe. Le mercredi, je suis allé chez le toubib civil qui a commencé à me regarder comme un chien dans un jeu de quilles et qui ne m’a rien fait comme soin, et « Kéma arbeit krik », tous les autres jours de la semaine je suis allé à la visite et c’était la même rengaine. Samedi, l’homme de confiance et le commandant ont fait une collecte pour que je puisse passer une autre contre-visite. Dimanche, encore une visite et lundi, au Stalag.


La semaine du 5 au 12 juillet a été, pour moi, un grand supplice. Le lundi, le docteur m’a regardé la tête dans tous les sens et me l’a rasée, toute en décomposition, à vif. Quel supplice ! J’avais le crâne rasé que je ne me reconnaissais plus, dans la glace. Que de souffrance, il faut éprouver sur cette terre ! Je ne croyais pas qu’un zona pourrait faire souffrir de la sorte, pendant 8 jours, sans rien manger, il faut avoir le caisson solide... page22image40256 page22image40416

La semaine du 12 au 19 juillet a été aussi de souffrance, pour moi, mais enfin, ça va mieux quand même que la semaine passée. Quel supplice d’être prisonnier et d’être loin de ceux qui nous sont si chers.


La semaine du 19 au 25 juillet, j’ai aussi compris la douleur de mon espèce d’érésipèle. Enfin, avec un peu de force et d’endurance, on passe bien des épreuves. Avec la rata que nous mangeons ici, que les cochons ne voudraient pas, patates non épluchées avec les germes long comme le doigt et même des pourries, ce qui est infect. Heureusement que chacun reçoit de bons colis de chez soi.


La semaine du 25 juillet au 2 août a été avec un peu d’amélioration pour moi, étant toujours à l’hôpital du Stalag. Cette semaine, il y a un pauvre camarade qui était tellement faible qu’en l’opérant, son cœur s’est arrêté de battre pendant quelques secondes, et après plusieurs heures de boulot de nos chirurgiens dévoués, ils ont pu le ramener à la vie, le chirurgien Estrade, en particulier...


La semaine du 2 août au 9 août, j’étais pour me faire opérer d’une hernie et de l’appendice. Le 5 janvier, jeûne, prêt à passer sur la table d’opération, alors il y a eu quelque chose pour empêcher. Le 6, encore prêt à passer et voilà une commission de Genève qui passe, alors opération repoussée au lendemain. Le 7, encore prêt et jeûne toute la journée jusqu’à trois heures et panne de lumière. Alors, le chirurgien a repoussé l’opération à la semaine prochaine, ce qui ne me déplaît pas, ça fait du repos...


La semaine du 9 au 16 août, d’abord, le lundi, grand jour où j’ai été opéré d’une hernie et de l’appendice. Durée de l’opération, 1 heure. Une piqûre de morphine à la cuisse et une piqûre dans la veine du bras, pour endormir, ce qui est très bien... Le tout, très bien passé. Le mardi et mercredi, pas de fièvre, le jeudi, 39°, vendredi, 39°2, samedi, 37°6, dimanche, 37°1. D’abord, à la première montée de fièvre, le chirurgien m’a rouvert la plaie à moitié, et le lendemain, ouverte entière sur 10 cm, ce qui n’est pas beau à voir, avec le pus qui sort de dedans... Dimanche 16, j’ai vu Louis Des Forges qui m’a dit qu’il avait appris que Gilbert Champion était mort en 1940. J’ai vu aussi un Verron de Verrière, qui est un client à Henri. Ca fait plaisir, ils viennent me rendre visite à l’hôpital, sur ma vieille paillasse de copeaux de sapin...


La semaine du 16 au 23 août a encore été de souffrance, pour moi, étant toujours couché, ma plaie n’étant pas fermée. J’ai encore fait une poussée de fièvre, cette semaine. Comme consolation, j’ai reçu 5 lettres de Madeleine et une d’Henri Pipet...


La semaine du 23 au 30 août, toujours sur ma vieille paillasse, avec ma boutonnière dans le ventre. Voilà depuis bientôt un mois avec le ventre, ce qu’il faut endurer comme souffrance, derrière ces maudits barbelés et loin de sa famille !


La semaine du 30 août au 6 septembre, pour moi, ça va un peu mieux, ma plaie se referme et j’ai pu me lever un peu. Maintenant quelques nouvelles de la situation. De grandes émeutes et vol de matériel et trains, en Yougoslavie. Je me suis pesé cette semaine, je ne fait plus, que 66 kg, moi qui en faisait 74, il y a 2 mois...


La semaine du 6 au 14 septembre, toujours à l’hôpital, mais tout va bien. Ma plaie est bientôt refermée et je vais sortir la semaine prochaine.


La semaine du 14 au 20 septembre, je suis sorti de l’hôpital le lundi et pas guéri, avec encore une plaie dans le ventre et on nous a mis dans une baraque pleine de puces et de punaises.


La semaine du 20 au 27, nous sommes dans les baraques du Stalag, parmi les puces et les punaises. Le 25, je vais passer la visite du médecin allemand. Tous les jours de la semaine, il est arrivé des spécialistes du caoutchouc et des mineurs de l’Airault, d’une mine d’alumine. Aussitôt leur arrivée, départ pour la France, quelle joie, pour eux.

La semaine du 27 au 4 octobre, j’ai passé la visite du docteur allemand qui me donne du repos et sur le cahier, ils avaient mis : « ... bon pour le boulot... ». Ca me dégoûte, dans le camp, avec la saleté...

La semaine du 4 au 11 octobre, départ du Stalag, pour un nouveau Kommando, toujours le Stalag XVIII-A-958-G-W. Grande fabrique de baraques, mais nous sommes perdus dans la montagne, comme toujours. La cuisine a l’air à peu près bonne et la paye est bonne aussi. Voilà le nom des bleds où nous sommes passés, venant du Stalag pour le Kommando 958-G-W : WOLFBERG, le 6.10.42, RADERWIRT, St. PETER, TAXWIART, OBDACH , KATHAL , EPPENSTEIN, WEISKIERCHEN , ZELTWEG, JUDENBUG , THALEIN, St-GEORGEN-sur-MUR, UNZMRKT, NIEDERMOLZ, TEUFENBACH, FROGACH-KATSCHTHAL , TRIBENDORF, GESTUTHORF, MURAU-STADL, RAIDORF-sur-MUR, St-LORENZEN-sur-MUR, St-RUPRECHT, STADL-sur-MUR. Arrivée au 958-G-W, le 7 octobre 1942.

La semaine du 11 au 18 octobre s’est bien passée pour moi, car c’est du travail à l’intérieur et c’est ce qu’il me faut, car venant d’être opéré et de passer une épreuve comme la mienne, il faut être dur et solide.


La semaine du 18 au 25 octobre, j’ai fait des lits pour prisonniers. Pour le boulot, ça va toujours, à l’intérieur, surtout que le froid commence déjà à se faire sentir. Ca n’empêche pas que j’ai un cafard noir.


La semaine du 25 au 1er novembre, semaine de cafard, j’ai reçu un avis de colis et je n’ai pas reçu de colis ni de lettre. En plus de cela, 2 camarades du Kommando sont partis pour la France, deux Périgourdins. Quelle joie, pour ces heureux veinards.


La semaine du 1er au 8 novembre, j’ai reçu une lettre et 2 colis qui m’ont bien consolé, car j’avais peur qu’ils ne soient perdus, ces beaux colis de ma petite Madeleine chérie.


La semaine du 8 au 15 novembre, j’ai eu des grands jours de cafard, mais ce qui m’a consolé, c’est d’apprendre que les Américains étaient en France.


La semaine du 15 au 22 novembre a été très froide et nous avons appris que les Américains et Anglais étaient en guerre, en Afrique du Nord, ce qui va peut-être nous amener du nouveau !


La semaine du 22 au 29 novembre, toujours de grands événement en Afrique du Nord, ce qui me console un peu. A part cela, le boulot, ça va, à l’abri, mais la croûte, c’est pour les cochons.


La semaine du 29 au 6 décembre, très froide et de petites tempêtes de neige. Je crois que la crise sur la ferraille se fait sentir. Nous posons des paumelles en bois sur les fenêtres, ça sent la décadence. Cette semaine, j’ai reçu une belle photo de ma petite Madeleine chérie qui me tient compagnie à la tête de mon lit.


La semaine du 6 au 13 décembre. Le lundi 7 décembre, j’ai été chez le dentiste à Tamsweg me faire plomber une dent pour la 3ème fois, ce qui m’a coûté 6 Marks, cette fois-ci. Cette semaine, j’ai fait des lits en sapin, comme toujours, et je crois bien que c’est la misère...


La semaine du 13 au 20 décembre, toujours la même chose, fabrication de lits et portes et en même temps le cafard, ça ne se demande pas... Quelle triste vie de séparation.


La semaine du 20 au 27 décembre, semaine de Noël, les jours m’ont paru bien longs. Espérons que ce soit le dernier Noël en captivité. Le 24, après-midi, 25, 26 et 27 qui est le dimanche, repos. Le 24, nous avons entendu les informations qui nous ont bien fait plaisir, ce qui nous laisse un peu d’espoir !


La semaine du 27 décembre 1942 au 3 janvier 1943 nous a semblé bien longue. Trois jours de repos et pas moyen de savoir aucune nouvelle et pas de lettre. Enfin nous vivons tous dans l’espoir de rentrer chez nous pour la fin de l’année 1943. Aujourd’hui, 2 janvier, bonnes nouvelles un peu dans tout le secteur.


La semaine du 3 au 10 janvier a été très froide, avec des tempêtes de neige épouvantables, mais pour l’instant, je fais des portes, à l’abri.


La semaine du 10 au 17 janvier, j’ai été chez le docteur pour ma tête, suite d’érésipèle. Ça me démange sans arrêt, alors, le mercredi 13, je me suis fait couper les cheveux, aux Enfants d’Edourd, court derrière et raz devant pour pouvoir frictionner de la pommade. Le 17, de bonnes nouvelles de la famille Richard et Bourrière...


La semaine du 17 au 24 janvier, je suis retourné chez le docteur qui voulait m’envoyer au Stalag. Alors, je n’ai pas voulu et il m’a donné un flacon de liquide pour me frictionner la tête et je sens, depuis, qu’il y a du mieux. La semaine, aussi, a été très froide avec 25 au-dessous de zéro.


La semaine du 24 au 31 janvier, de très bonnes nouvelles au sujet de la tante qui va de plus en plus mal.

La semaine du 31 au 7 février, j’ai attrapé un bon rhume, mais ça ne fait rien, l’espoir est bon, c’est le principal. C’est temps que ça finisse, car depuis 3 ans, il y a de quoi devenir fou...


La semaine du 7 au 14 février, j’ai fait des armoires et il faut employer des paumelles en bois, ça sent la décadence. Le moral est bon, depuis quelques temps, et malgré tout, il y a de l’espoir pour cette année.


La semaine du 14 au 20 février, il a gelé très dur, mais je suis toujours à l’abri, à la confection des armoires, et à part cela, le moral est bon. Ça y va de l’arrière, c’est bon signe !


La semaine du 20 au 28, toujours la même vie de prisonniers, plus que jamais. Il y a un camarade qui est arrivé du Stalag et qui nous a raconté sa vie de prisonnier assez mouvementée, en Yougoslavie : dans une ferme, dans la montagne, une bande de Yougos armés jusqu’aux dents ont encerclé leur ferme et bâillonné les occupants, sauf les prisonniers. Ils ont tout pillé, tué les habitants et ont demandé aux Français s’ils voulaient les suivre.


La semaine du 28 au 7 mars a été assez froide et il tombe de la neige. Grandes discussions, entre nous Français, pour un maudit traître qui dit des choses qui ne sont pas vraies.


La semaine du 7 au 14 mars a été assez mouvementée. Trois camarades sont partis pour le Stalag, pour l’histoire d’un traître de Français qui nous vendait tous les jours, Rio Maturin, Na77624, Dandréal, témoins et Cousin, le traître. A part cela, nous sommes serrés de plus en plus !


La semaine du 14 au 21 mars a été très mouvementée. Le lundi 15, grand incendie de la ferme Rosengrand, tous les ateliers ont brûlé et ce qui était dedans, ainsi que les magasins, les réserves de bois et aussi des piles de doubles-fenêtres, toutes finies, qui ont brûlé par centaines. Nous étions plus de cent ouvriers civils et prisonniers, et impossible de parer le feu.


La semaine du 21 au 28 mars, nous avons refait un toit sur les lieux de l’incendie et j’ai fait de la couverture en planches, comme si c’était de l’ardoise. Le vendredi 25, 5 camarades sont partis du Kommando, à 90 km de Stald. Nous ne restons plus qu’a 9, à l’usine Rosengrand.


La semaine du 28 mars au 4 avril, toujours le cafard noir de voir les beaux jours, et prisonnier plus que jamais ! Nous continuons à déblayer les décombres et à reconstruire des ateliers. Avec un camarade E. Dalibard, nous faisons des fermes de 22 mètres de long, en forme de voûte, c’est du beau boulot.


La semaine du 4 au 11 avril, nous avons été obligés de nous lever pour éteindre le feu qui était pris dans un tas de copeau qui fait 6 mètres de haut, 30 mètres de large et 100 mètres de long. Il faisait une tempête épouvantable et ce n’était qu’une flamme. Alors, nous, les pauvres prisonniers, nous avons fait les pompiers.


La semaine du 11 au 18 avril, j’ai été chez le dentiste, le mardi, à Murau, me faire plomber une dent, pour la 4ème fois. A part, cela, le cafard de plus en plus, surtout avec les beaux jours, mais les nouvelles arrivent bien et ça remonte le moral, surtout avec de bonne nouvelles.


La semaine du 18 au 25 avril, il y a encore eu un incendie terrible, dans la forêt. Ca fait 4 grands incendies dans l’espace d’un mois. Depuis l’incendie de l’usine, nous sommes mieux nourris et le patron a payé deux fois du vin, de la bière et aussi un banquet. Je crois plutôt que c’était une grande fête, ce désastre ! Comme repas de Pâques, nous avons eu juste 4 crêpes. C’est bien le bon système : on ne travaille pas, alors on ne mange pas !


La semaine du 25 au 2 mai, il n’a pas fait chaud. Presque toute la semaine, il est tombé de la neige. A part cela, le boulot ne va pas vite, on fait des fenêtres à la main, puisqu’il n’y a pas de machines, mais dans quelques jours, une grosse parqueteuse 4 faces va fonctionner...


La semaine du 2 au 9 mai, nous avons installé une grosse parqueteuse 4 faces et après, c’était la confection de 1800 tabourets. A part, cela, j’ai reçu de bonnes nouvelles sur la situation de ma pauvre tante qui est bien mal !


La semaine du 9 au 16 mai, de grands événements. La pauvre tante est partie de chez R. Fayoux, ce n’est pas trop tôt. Toute cette semaine, j’ai fait des espèces d’ardoises en sapin.

La semaine du 16 au 23 mai, armoires et bancs de jardin, pour la cantine de la ferme, mais pas de nouvelle cette semaine, alors pas de bonne nouvelle !


La semaine du 23 au 30 mai, toujours la même chose, le moral se maintient. Cette semaine, il est arrivé des réfugiés des villes bombardées d’Allemagne. C’est chacun son tour de goûter à cette manœuvre...


La semaine du 30 mai au 6 juin a été une semaine de cafard. L’année s’avance et rien ne se termine de cette maudite guerre. Comme boulot, avec mon camarade Delguste, homme de confiance, nous avons fait des bancs de jardin, pour le patron... Aujourd’hui, j’ai reçu 2 lettres de ma petite chérie et une photo de ma mère, qui m’a fait plaisir...


La semaine du 6 au 13 juin, le capitaine de la compagnie de Cheflig nous a accordé une permission de sortir, dans un rayon de 3 km. Alors, aujourd’hui, nous avons fait une petite sortie dans la montagne, à 1600 ou 1700 mètres d’altitude. Comme boulot, je fais des armoires militaires, avec l’homme de confiance.


La semaine du 13 au 20 juin, nous avons vu des copains qui nous ont donné de bonnes nouvelles et espoir, ça remonte le moral car voila deux semaines que je n’ai pas reçu de nouvelles. Toujours dans la fabrication d’armoires, mais pas beaucoup de courage...


La semaine du 20 au 27 juin, je fais toujours des armoires, avec l’homme de confiance. Aujourd’hui, j’ai pu acheter un peu de pinard, ce qui m’a fait bien plaisir car c’est l’anniversaire de notre mariage et ça me chasse le cafard me voyant si loin de mon trésor.


La semaine du 27 juin au 4 juillet, grand calme sur tout l’ensemble, toujours plongé dans les armoires...


La semaine du 4 au 11 juillet, je change de camarade, je passe avec un ébéniste parisien, Gilades 

Laurent, puisque je remplace un camarade qui part pour la relève, en France, le 10 juillet 1943, un bon vieux copain, Emile Quien qui dans quelques jours aura la joie de retrouver sa femme et sa famille. Le 10, il est passé des avions anglais à une vitesse vertigineuse.

La semaine du 11 au 18 juillet a été bonne pour nous. Les macarons sont cuits et bientôt, la Sicile est occupée par les Américains. A part cela, comme boulot, je fais une salle à manger avec mon camarade Gilades...


La semaine du 18 au 25 juillet, nous avons appris que la Sicile était à moitié occupée et qu’il y avait des batailles d’avions effroyables, par milliers et des bateaux aussi. A part cela, cette semaine, nous faisons une belle salle à manger en sapin rouge.


La semaine du 25 juillet au 1er août a été très mouvementée. La Sicile est toute prise. C’est une terrible bataille, enfin, il faut en voir la fin !


La semaine du 1er au 8 août, j’ai été chez le dentiste à Murau, le 3, et j’y retourne la semaine prochaine, pour me faire plomber ma dent. A part cela, le moral se maintient. J’ai reçu une lettre de ma petite chérie qui me donne espoir pour cette année !


La semaine du 8 au 15 août, j’ai été pour la deuxième fois à Murau, le mardi 10, pour me faire plomber ma dent. A part cela, la situation s’améliore toujours. Cette semaine, les Américains ont bombardé tout, ici. J’ai appris cela en allant chez le charron, tourner des pieds de table et des boules de buffet...


La semaine du 15 au 22 août, toujours pareil, ça va pour le mieux. Comme boulot, toujours la salle à manger et fauteuil.


La semaine du 22 au 29 août, les Américains et les Anglais ont bombardé la capitale et tout était en feu. Trois jours après, même représentation, avec 600 avions, beaucoup de macchabés, en Sicile, deux cents mille hommes et Kharkov, 180000. Ça doit être affreux.


La semaine du 29 août au 5 septembre, nous avons appris le débarquement des Américains en Italie et ça donne. Comme boulot, je fais 10 fauteuils, cette semaine.


La semaine du 5 au 12 septembre, toujours dans la construction de fauteuils... Alors, les américains sont toujours en Italie et ça donne. Les Anglais sont en Albanie. En Norvège, il n’y a plus d’accès et au Danemark, il y quelque chose aussi...

La semaine du 12 au 19, toujours bon moral, ça va bien des deux côtés. Cette semaine, changement de boulot, 10 buffets de salle à manger.


La semaine du 19 au 25 septembre, ça recule de partout, aussi bien en Russie qu’en Italie. Cette semaine, j’ai reçu une photo de ma petite Madeleine qui m’a fait beaucoup plaisir.


La semaine du 25 septembre au 3 octobre, nous avons entendu des bombardements dans la région. Il y a des prisonniers italiens au XVII.A. Dix mille, ça fait plaisir ! Le 30 septembre, j’ai reçu une ceinture pour mon éventration.


La semaine du 3 au 10 octobre, le moral se maintient bon, mais la classe ne sera pas pour cette année, je crois...


La semaine du 10 au 17 octobre, toujours dans les buffets de cuisines. A part cela, la situation ça va. Les Russes sont à Kiev et les Américains avancent, toujours en Italie. Ils sont venus bombarder une usine d’aviation, ici en Autriche...


La semaine du 17 au 24 octobre, j’ai fait un coffret à ma petite chérie. A part cela, ça y va. Il y a des prisonniers corses qui ont 75 ans, au Stalag, c’est encore humain...


La semaine du 24 au 31 octobre, toujours dans les meubles de cuisines. A part cela, les Russes avancent dur. Voilà l’Ukraine reprise par les Russes.


La semaine du 31 au 7 novembre, les Russes avancent à tout casser et, en Italie, les Américains aussi.


La semaine du 7 au 14 novembre, les buffets sont finis et j’ai été chez un charron du patelin pour tourner 120 boutons de tiroir et ensuite, 28 pieds de tables.


La semaine du 14 au 21, notre patron nous a payé le vin blanc et nous étions tous pleins comme des bourriquets. Comme boulot, du tournage et des bureaux.


La semaine du 21 au 28 novembre, avec mon copain Gilades, nous avons fait une grande armoire de 2,50 m de large et de 2 m de haut. Nous avons vu passer de gros bombardiers, le dimanche 28, et entendu des bombardements plus que jamais.


La semaine du 28 novembre au 5 décembre, Berlin bombardé à outrance et ça donne de nouveau en Italie et partout.


La semaine du 5 au 12 décembre, j’ai été chez le dentiste, à Murau, mais ma dent n’a pas de mal, il vaut mieux. En ce moment, je fais des bureaux avec mon copain Gilades.


La semaine du 12 au 19 décembre, nous avons entendu les bombardements d’un train de permissionnaires et une grosse ville aussi, pas bien loin d’ici.


La semaine du 19 au 26 décembre, nous avons eu 3 jours de repos. Pour la Noël, nous avons pu avoir un lapin et nous réveillonnons tous en cœur. C’est la seule satisfaction que nous avons ici.


La semaine du 26 au 2 janvier 1944, nous faisons des caisses à outils. Cette semaine, 1er janvier, nous avons entendu, de 8 à 9 heures, un bombardement qui n’avait pas l’air d’épargner.


La semaine du 2 au 9 janvier, encore des bombardements en direction de Villach Klagenfurt. On voyait même le ciel en feu, en plein jour, le 10 janvier et les avions passaient doucement.


La semaine du 9 au 15 janvier, encore un bombardement qui a duré près d’une heure et ce n’était pas pour rire. Peut-être est-ce comme samedi dernier, 5 trains de munitions qui ont sautés.


La semaine du 15 au 23 janvier, nous avons encore entendu bombarder, dans la même direction. Pourvu que mon vieux copain R. Paziot n’ait pas de mal !


La semaine du 23 au 30 janvier, j’ai fait une armoire pour mettre des fusils. C’est pour un pavillon de chasse, pour un gros du pays et on dit qu’il n’y en a pas.


La semaine du 1er au 6 février, il est tombé de la neige. En plus de ça, encore des bombardements, toujours dans la même direction.

La semaine du 6 au 13 février, j’ai encore entendu un bombardement qui avait l’air de péter sec. Cette semaine, j’ai été chez le charron du pays, tourner des pieds de table et des balustres de fauteuils pour des salles à manger.


La semaine du 13 au 20 février a été très froide. Nous avons appris qu’il y avait 55 mille morts en Russie et 18000 prisonniers allemands. Ca ne se demande pas, 1000 véhicules, 160 tanks perdus et 200 capturés, 200 avions et canons.


La semaine du 20 au 27 février a été très mouvementée. Des centaines d’avions sont passés tous les jours de la semaine. Il y a même eu des combats d’avions. Les chasseurs allemands étaient à la poursuite des gros bombardiers, mais ils ne se dérangent pas de leurs formations. J’ai vu se lancer 13 parachutistes et plusieurs avions d’une part. D’autre part, 3 parachutistes américains se sont rendus au patelin. Il y en a même un qui parle très bien le Français.


La semaine du 27 au 5 mars, très froide et de cafard. Mon camarade Paziot est venu me rejoindre et il l’a échappé à Klagenfurt, dans ce grand bombardement.


La semaine du 5 au 12 mars, toujours le cafard, par moment.


La semaine du 12 au 19 mars, de grands raids sur l’Allemagne et la France et grande avance sur tout le front de l’est.


La semaine du 19 au 26 mars, semaine de cafard et sans nouvelles.


La semaine du 26 au 2 avril, le moral est un peu meilleur. Le front se rapproche.


La semaine du 2 au 9 avril, avance formidable sur la Roumanie et Crimée.


La semaine du 9 au 16 avril, nous avons eu la visite de l’aumônier, l’ami qui a l’air très gentil. A part cela, le cafard continue... En attendant la fin si attendue...


La semaine du 16 au 23 avril, nous sommes allés à Tamsweg, pour poser des lambris dans une salle des fêtes et toujours la montagne blanche de neige. La ville est à 1100 m d’altitude.


La semaine du 23 au 30 avril, j’ai eu une lettre, à mon arrivée de Tamsweg, m’apprenant la mort de Mimi Pâtre et j’ai aussi lu des lettres de ma petite Madeleine et Marie que Paziot avait reçues. Mon petit cœur chéri est devenu bien bas et on me l’a toujours caché.


La semaine du 30 avril au 7 mai, arrivée de Tamsweg, cette fois, les lambris sont finis et pas de nouvelles encore. Une semaine longue à passer...


La semaine du 7 au 14 mai, il ne fait pas chaud et j’en ai attrapé un rhume.


La semaine du 14 au 21 mai, le général Juin a fait une grosse attaque en Italie et fait 5000 prisonniers le 1er jour.


Les semaines du 14 au 21 mai et du 21 au 28 mai, nous avons eu 3 jours pour la Pentecôte. A part cela, rien de nouveau sur la situation.


La semaine du 28 mai au 4 juin, fabrication de 150 chaises pour cette salle de Tamsweg et 24 tables. Nous avons appris la prise de Rome, ça remonte un peu le moral...


La semaine du 4 au 11 juin, grand débarquement en France, le 6 juin, dans la région de Caen. Au moins, cette fois, c’est une grande satisfaction et sur le front italien et russe, ça y va aussi à tout casser.


La semaine du 11 au 18 juin, comme nouvelles, ce n’est pas mauvais, les troupes vont à la vitesse de 20 km par jour. Les voilà à Pise, ils seront bientôt en France, j‘espère. Et sur le front de Normandie, ça va bien aussi.


La semaine du 18 au 25 juin, ça va sur tous les fronts.


La semaine du 25 au 2 juillet, ça continue à avancer de partout.


La semaine du 2 au 9 juillet, j’ai vu des mutilés alsaciens qui en avaient marre de cette triste vie et avec ça, ça avance de 300 km sur le front de l’est et en Italie, ça va aussi.

La semaine du 9 au 16 juillet, nous avons entendu un bombardement qui a duré près d’une heure.


La semaine du 16 au 23 juillet, il est passé plus de 500 avions américains qui allaient bombarder quelques villes, par là et pas un chasseur à leurs trousses.


La semaine du 23 au 30 juillet, encore des avions américains qui sont passés au-dessus de nous. A part cela, ça avance sur tous les fronts...


La semaine du 30 juillet au 6 août, la ville de Poitiers a été écrasée. Six trains ont été nettoyés. La gare de St-Saviol avec un train et une autre gare avec 80 wagons, dans les Deux-Sèvres.


La semaine du 6 au 13, il y a eu 22000 mètres cubes d’essence qui ont été bombardés par les Anglais, à Paris. Les Américains sont à 20 km de Paris et d’Angers et 15 km au-dessous de Nantes.


La semaine du 13 au 20 août, les Américains sont à 40 km au-dessus d’Orléans et il y a eu un débarquement entre Marseille et Nice, dans la nuit du 14 août et ça continue d’avancer.


La semaine du 20 au 27 août, en France, les partisans tapent de tous les côtés et l’invasion se fait à vive allure.


La semaine du 27 août au 3 septembre, c’est des avances formidables sur toute la France.


La semaine du 3 au 10 septembre, ça va sur tous les fronts. Notre pays est libéré et la moitié de la Belgique.


La semaine du 10 au 17 septembre, ça va et la semaine du 17 au 24, il est passé des avions anglo-américains pendant 2 heures.


La semaine du 15 au 22 octobre, très belle. Le 16, le ciel était étincelant de ces gros quadrimoteurs. C’était vraiment splendide et rien à leur poursuite. Ils étaient environ un millier et ont lâché des crottes un peu partout.


Les semaines du 22 octobre au 12 novembre, ce n’est que des ronflements d’avions et des bombardements. Le mauvais temps ne les empêche pas de voyager, là-haut. 



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Ajout complémentaire - Mars 2016

Dans un autre carnet, nous avons retrouvé un texte de mon grand-père concernant sont trajet de retour. Le voici à présent ajouté à ce billet.

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La guerre est finie le 8 Mai 1945

Stadl an der Mur, Autriche le 15 Mai.
Départ pour TAMSWEG le 15.
Départ de TAMSWEG le 16.
Arrivée à  SPITTAL le 16.
Départ de SPITTAL le 17.
Arrivée à VILLACH le 17.
Toujours en Autriche, très beau pays, mais 90% bombardé.
Départ de VILLACH le 28 Mai.
Arrivée à UDINE ( Italie ) le 28 Mai.
Départ d'UDINE le 29 Mai.
Arrivée à MESTRE le 29 Mai tout près de VENISE sur la mer adriatique.
Départ de MESTRE LE 29 Mai.
Arrivée à PADOVA ( Padoue ) le 29 Mai.

A PADOUE, j'ai visité la cathédrale qui est de toute beauté. J'ai rapporté des petits souvenirs qui m'ont été donnés puisque je n'avais pas d'argent.

Départ de PADOUE le 4 Juin. 10 heures de trajet en camion sous un soleil de feu, tout en longeant l'adriatique. Puis vers l'ouest à BOLOGNE.

Arrivée à BOLOGNE LE 4 Juin, qui a subi la guerre.
Aussi très beau coin ombragé de mûriers et d'autres fruitiers.

Départ de BOLOGNE le 5 Juin sous un soleil de plomb.

Arrivée à FORLI le 5 Juin. Toujours sur l'adriatique.
Nous sommes sous des "marabouts" environ 3000 prisonniers. Ici c'est la première agence de rapatriement. Très bien organisée.

Départ de FORLI le 14 Juin pour RIMINI, PESARO, MONDOLFO, MAROTTO, toujours sur l'adriatique, rempli de matériel américain partout, toute la côte. Port de SENIGALLIA détruit.

Arrivée à ANCONE le 14 Juin.
Port d'une assez grande importance, mais les alentours de la ville rasés.
Grand débarquement de matériel de toute sorte et un gros pipeline qui monte dans le nord de l'Italie.

Départ d'ANCONE le 27 Juin en chemin de fer.

De passage à LESI, SERRA SAN QUIRICO, ALBACINA, FABRIANO, FOLIGNO, TERNI, ROMA TIRBUTINA, CIAMPINO, ROCASSECA, CASSINO, CAPUA, NAPOLI ( NAPLES ).
Arrivée le 29 Juin à la gare maritime par un temps superbe.
Là, nous avons commencé à voir la marine française.

Le croiseur Jeanne d'Arc sur lequel nous avons embarqué le 29, aussitôt descendus du train et le départ sera bientôt. 5 heures, longé la côte d'Italie. CAPRI, passé le détroit de la Corse et Sardaigne le 30 à 5 h et arrivés au port de MARSEILLE à 8 h 30 du soir. Accueillis par la musique de la coloniale française.

Que de matériel dans ce port.

J'en ai pleuré en voyant la terre française.

Départ de MARSEILLE le 1er Juillet à 5 h du matin.

De passage à TARASCON, AVIGNON, REMOULINS, NÎMES, MONTPELLIER, SÈTE, BÉZIERS, NARBONNE, CARCASSONNE...


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